ENTRETIEN Transports collectifs Les recettes d'un partenariat public-privé
-Patrice Laconte, président de l'Union internationale des transports publics (UITP), cite en exemple les expériences britanniques de financements innovants. (Correction parue dans le Moniteur n°4863 du 07/02/97 page 31 : Pierre Laconte est le secrétaire général )
BRIGITTE DE WOLF
Existe-t-il, ailleurs qu'en France, des montages d'opérations intéressants basés sur un partenariat public-privé ?
PATRICE LACONTE. Trois réalisations britanniques peuvent être citées en exemple. Le GMML, Greater Manchester Metrolink, est un métro léger hybride utilisant en partie des voies ferrées existantes, qui fonctionne à presque 100 % en surface et en utilisant uniquement des technologies confirmées, sans subventions d'exploitation depuis 1992. Autre exemple phare, le métro léger hybride de Croydon (banlieue de Londres). Ce réseau a été conçu et planifié par le secteur public et dans l'intérêt public. Comme dans le cas de Manchester, le risque d'exploitation a été transféré à un consortium privé, qui participe également à l'investissement. Dans le cas du Heathrow Express, le secteur privé supporte à la fois le risque d'investissement et le risque d'exploitation et entend introduire un service en 15 minutes et toutes les 15 minutes entre Heathrow et la gare de Paddington pour concurrencer les taxis et le métro londonien, au moyen de nouveaux trains roulant à 160 km/h.
Quelles sont les conditions idéales pour mener à bien un tel partenariat ?
En premier lieu, il faut insister sur le niveau nécessaire de compétences des partenaires, tant publics que privés. Ce point est crucial dans le cas de contrats à long terme impliquant d'importants investissements de capitaux. La France possède un savoir-faire important en la matière et se montre aujourd'hui active sur le marché international des consortiums. Outre les groupes privés, on peut citer le français Systra (issu de l'alliance Sofretu-Sofrerail) et son rôle actif dans le consortium London Continental Railway, qui a été choisi pour réaliser la liaison à grande vitesse entre Londres et diverses villes européennes, via le tunnel sous la Manche.
Deuxièmement, il est nécessaire de donner le premier rôle à l'exploitant dès la conception du système. Les consortiums réussis sont ceux qui se placent dans l'ensemble du cycle de vie du projet. L'exploitant peut, s'il le souhaite, unir ses forces à celles d'un fabricant de matériel roulant pour régler dès le départ les problèmes de maintenance. Par contre, le génie civil peut être aisément divisé en lots et sous-traités par le consortium gagnant. Ce principe de prédominance de l'exploitant peut s'appliquer avec succès à d'autres types d'investissements de grande envergure, comme les investissements autoroutiers privés (exemple : Cofiroute). Il est à noter que, dans le cas d'Eurotunnel, d'Orlyval et du métro léger de Sheffield, dont les avatars sont connus, aucun exploitant n'était impliqué dès le départ.
Troisième point : laisser l'exploitant exploiter. Les autorités responsables des investissements publics dans les exemples cités ont été amenées à accorder, avec le soutien important de l'Etat central, une subvention unique à un consortium prêt à supporter la totalité du risque industriel ; c'est-à-dire réaliser l'investissement pour un prix ferme et définitif sans clause de sauvegarde) et la totalité du risque commercial.
PHOTO : Patrice Laconte Président de l'UITP
«Le premier rôle à l'exploitant dès la conception»
Trois expériences britanniques de financement de transports collectifsGreater Manchester Metrolink
-1989 : GM Passenger. Transport Executive (PTE), organe professionnel de la PTA (Passenger Transport Authority), se charge de la conception du réseau et du processus de décision politique et lance un appel d'offres auprès de consortiums privés.
Objectifs : concevoir, construire, exploiter et entretenir un métro léger de 20 miles. Sans aucune restriction tarifaire (car prise en charge du risque commercial par le secteur privé). Coût : 1 000 millions de francs.
-1990 : marché attribué au consortium regroupant : un fabricant (GEC Alsthom), une société de génie civil (Mowlem/Amec), une société d'exploitation (Greater Manchester Metrolink).
-1992 : couverture des coûts d'exploitation supérieure à 100 % (bénéfices d'exploitation de 25 millions de francs en 1995).
-1996 : la PTA lance un nouvel appel d'offres sur l'extension du réseau (20 miles supplémentaires), l'exploitation et la maintenance de l'ensemble du réseau pour une nouvelle période de 15 ans.
Sélection d'un nouveau consortium, Altram (Ansaldo Trasporti/Laing Cibil Eng.) dont le contrat est en cours de formalisation (janvier 1997).
Métro léger de Croydon
Le London Transport et l'administration conçoivent un système (avec l'aide de consultants). Coût de cette première phase : environ 50 millions de francs.
L'administration locale et London Transport mettent sur pied un groupe de développement de projets qui comprend les transports régionaux londoniens, l'administration du London Borrough of Croydon, l'exploitant (TransDev), un fabricant (AEG) et une société de génie civil (Tarmac). La procédure de soumission attire de nouveaux consortiums prêts à apporter plus de capitaux privés. Le consortium gagnant comprend Center West Buses (exploitant), la Royal Bank of Scotland, Bombardier et l'entreprise de génie civil Robert McAlpine. Montant total de l'investissement : + / - 1 500 millions de francs. Le consortium gagnant apporte 600 millions de francs. Début des travaux : 1996.
Heathrow Express
La société privatisée British Airport Authority (BAA Plc) conçoit, en 1994, avec British Rail Board (BRB) un projet de liaison ferroviaire rapide entre l'aéroport d'Heathrow et la gare de Paddington. Coût : + / - 3 000 millions de francs.
Le groupe de stratégie ferroviaire de la BAA lance un appel d'offres à l'échelle européenne pour l'exploitation et la mise en oeuvre du système.
L'exploitant, Heathrow Express, filiale à 100 % de la BAA, loue l'infrastructure et le matériel roulant à Heathrow Airport. Ouverture : juillet 1998.
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