ENTRETIEN Prévoir les aménagements dès la conception

-Pour Louis-Pierre Grosbois, auteur d'un ouvrage intitulé « Handicap et construction », si les aménagements sont prévus dès la conception des bâtiments, ils n'entraînent pas de surcoût. -Au contraire, ils profitent à chacun d'entre nous en facilitant l'accessibilité des lieux.

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Comment définissez-vous la notion de handicap ?

LOUIS-PIERRE GROSBOIS. Il faut sortir de ce terme de handicap, attribué à une personne diminuée, rejetée. Il vaut mieux parler d'incapacité. Dès lors, le rôle de l'architecte est de compenser ou de corriger, grâce à la conception de l'espace construit, cette incapacité pour redonner à chacun toutes ses chances. Il ne faut pas non plus oublier que la population vieillit. Or, si l'on ne veut pas exclure de la vie sociale cette frange grandissante de la population, il vaut mieux maintenir à domicile le plus longtemps possible les personnes âgées. Enfin, chacun d'entre nous est susceptible d'avoir une incapacité : une femme enceinte, un skieur ou un conducteur accidentés. Et puis, il faut penser tout simplement aux différents âges de la vie.

Quel est l'impact de la réglementation ?

Il faut distinguer trois secteurs : les moyens de transport, les bâtiments publics, l'habitat individuel ou collectif. En ce qui concerne les moyens de transport, je ne suis pas trop inquiet : la concurrence internationale et le souci de compétitivité des entreprises favorisent les dispositions en faveur des handicapés. Pour tous les bâtiments publics, construits ou rénovés depuis 1994, il y a obligation de prévoir des aménagements spécifiques et de les présenter à une commission de contrôle. Pour la maison individuelle, il n'y a que des incitations. L'Union nationale des constructeurs de maisons individuelles a rédigé un guide sur l'adaptabilité des constructions. Pour l'habitat collectif, il existe des règles précises qui spécifient que les bâtiments doivent être accessibles aux personnes handicapées, dans les étages. Toutefois, l'ascenseur n'est obligatoire qu'à partir d'une construction de type R + 4. Ces règles ne font pas l'objet de contrôles, dans le privé, mais seulement d'un engagement. En revanche, dans le public, il y a contrôle. On va même plus loin grâce au label Qualitel qui accorde des points supplémentaires lorsqu'il y a des aménagements pour les personnes handicapées. En rénovation, il n'y a pas d'obligation : tout dépend souvent de l'évaluation du coût des aménagements.

Quels sont les critères à prendre en compte lors de la conception des bâtiments ?

Il faut à la fois que les bâtiments soient accessibles aux personnes handicapées, et adaptables. Ainsi, moyennant des modifications simples, on doit pouvoir les accueillir dans les appartements. Par exemple, il est préférable de placer les toilettes à côté de la salle d'eau, de prévoir des cloisons modifiables, posées à même le sol, sans câbles électriques. D'une façon générale, les aménagements sont plus faciles lorsque les séparations des pièces ne sont pas porteuses. Or, les bâtiments réalisés à partir des années 50 sont plutôt du type voile porteur à faible trame plus plancher béton. On devrait également réserver un emplacement pour un futur ascenseur lorsque l'immeuble n'en est pas équipé. L'adaptabilité des bâtiments constitue un critère d'autant plus important que la population vieillit et qu'il deviendra primordial de maintenir à domicile les personnes âgées. Il faut travailler aussi sur une bonne lisibilité des lieux pour les personnes facilement désorientées, et sur la maîtrise de l'espace sonore pour les aveugles.

Quelles sont les dispositions constructives à privilégier ?

Dans le domaine du gros oeuvre, il faut éviter les trames serrées avec des voiles porteurs afin de faciliter le cloisonnement, et profiter de l'augmentation de l'épaisseur de la dalle, due à la nouvelle réglementation acoustique, pour y introduire des siphons de sol dans les salles d'eau. De même, les façades composées d'éléments en béton rendent difficile tout abaissement de l'allège de la fenêtre. Dans le domaine du second oeuvre, on manque encore de cloisons mobiles, de sols antidérapants ou encore de béquilles ergonomiques de fenêtres. De gros efforts ont été accomplis par les fabricants pour doter, par exemple, les leviers de robinets de commandes plus préhensibles ou les équipements, de commandes à distance électroniques.

Que représente le surcoût de telles dispositions constructives ?

Si l'accessibilité des bâtiments aux handicapés est prévue dès la conception, il n'y a pas de surcoût. En revanche, ces dispositions constructives peuvent faciliter la vie de chacun d'entre nous. Par exemple, dans un ascenseur, on va répéter le même message par voie sonore et par voie lumineuse. On améliore donc l'ergonomie pour tous.

De même, au lieu de cantonner l'ascenseur pour handicapés à une fraction de la population, on va le rendre facilement accessible à des personnes fatiguées ou chargées en le plaçant dans un endroit fréquenté. On va également le rendre panoramique, et donc agréable à utiliser. En fait, si l'on conçoit les bâtiments pour les personnes les plus handicapées, on facilite leur usage au plus grand nombre et, finalement, on renforce la cohésion sociale.

PHOTO : L'accessibilité et l'adaptabilité des bâtiments n'entraînent pas forcément de surcoût. Ici, un escalier pour personnes âgées à la résidence «Chenevis» à Toulouse.

« Handicap et construction »

Louis-Pierre Grosbois est architecte et professeur à l'Ecole d'architecture de Paris-La Villette. Il est également auteur d'un ouvrage intitulé « Handicap et construction », aux Editions Le Moniteur (1). Cet ouvrage s'adresse à tous ceux qui conçoivent, réalisent et aménagent des ouvrages adaptés aux personnes handicapées comme à l'ensemble de la population. Louis-Pierre Grosbois a, entre autres, conçu la salle de lecture pour aveugles de la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, à Paris, ou contribué à rendre la Bibliothèque nationale de France accessible à tous. Plus récemment, il a réalisé une résidence pour personnes âgées à Toulouse (voir notre article en p. 69).

(1) Renseignements : Editions Le Moniteur, 17, rue d'Uzès, 75002 Paris ; tél. : 01.40.13.30.30.

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