ENTRETIEN Logement «Si, aujourd'hui, le logement va mieux, le bâtiment ira mieux demain»

-Le ministre du Logement, Pierre-André Périssol, explique les objectifs de sa politique.

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Sur quoi fondez-vous votre optimisme pour l'activité du bâtiment ?

PIERRE-ANDRE PERISSOL. Le logement est reparti : les ventes ont augmenté de 16 % pendant les neuf premiers mois de l'année 1996 par rapport à l'année précédente. La reprise est particulièrement affirmée dans la maison individuelle. On la retrouve dans l'ancien où, malgré un retard par rapport au neuf, on a assisté aussi à un redémarrage.

Néanmoins, le bâtiment est dans une situation difficile pour deux raisons :

- d'une part, le logement ne représente que la moitié du chiffre d'affaires du bâtiment, le neuf n'entrant même que pour 25 %. Or, il faut compter un temps de latence de 12 à 18 mois entre le redémarrage des ventes et sa traduction dans les carnets de commandes des entreprises. Mais si aujourd'hui le logement va mieux, le bâtiment ira mieux demain ou après-demain ;

- d'autre part, l'autre moitié de son activité dépend des équipements des collectivités locales, des administrations publiques, de l'industrie et du commerce qui, pour des raisons spécifiques, sont en veilleuse.

Faites-vous des prévisions pour 1997 ?

Nous avons pris des mesures pour que les choses aillent mieux dans le logement. Le prêt à taux zéro est un succès. Il permet à des ménages qui n'auraient pas eu les moyens d'acheter de réaliser leurs projets d'accession dans le neuf. Je voudrais citer, aussi, l'amortissement pour l'investissement locatif dont les professionnels nous disent qu'il marche bien. Enfin, la baisse des taux d'intérêt a donné un coup de fouet au marché.

Je me félicite de ce que le logement, qui fait tant appel à la confiance dans l'avenir, soit le premier secteur économique à repartir. Ce n'est pas un feu de paille : le prêt à taux zéro se maintient très régulièrement à un rythme de 10 000 par mois. Or un redémarrage du logement constitue par lui même un facteur de la confiance générale.

N'êtes-vous pas un peu optimiste sur l'ancien, après la suppression des mesures de soutien ?

Le gouvernement a toujours dit que l'allégement des droits de mutation était temporaire. Il s'agissait d'une mesure conjoncturelle destinée à amorcer le redémarrage des transactions dans l'ancien, ce qui me semble fait.

En 18 mois, cette disposition a coûté entre 6 et 8 milliards de francs. Son effet n'a pas été à la hauteur de cette somme. Je vous rappelle que l'ensemble des aides allant aux prêts à taux zéro, aux prêts locatifs aidés et à la réhabilitation des parc privé ou public totalise 17 milliards par an. 120 000 prêts à taux zéro coûtent 7 à 8 milliards...

Il y a aussi les travaux dans l'ancien...

En ce qui concerne les HLM, nous poursuivons l'effort des années précédentes en programmant 120 000 Palulos. Les bâtiments ont structurellement besoin d'être réhabilités et cela nécessite une aide de l'Etat.

Dans le parc privé, notre action est triple :

- L'amélioration d'un logement occupé par un propriétaire. La prime à l'amélioration de l'habitat (PAH) est maintenue à 600 millions de francs.

- L'Anah : sa dotation baisse de 10 %, je ne le nie pas. Mais cela ne nous empêchera pas de poursuivre dans la voie des objectifs d'urbanisme (avec les Opah) et sociaux (avec les PST). J'ai été très heureux de constater que, dans le plan d'urgence, 3 700 logements sur 20 400 sont des logements mis à disposition par les propriétaires privés.

- Enfin, nous avons décidé une mesure fiscale forte prévoyant que tout ménage qui engage des travaux dans sa résidence principale pourra déduire de ses impôts 20 % de sa dépense plafonnée à 40 000 francs.

Ne croyez-vous pas qu'il faudrait arrêter de changer sans arrêt de règles du jeu ? Le prêt à taux zéro élargi dans l'ancien marchait bien...

Il faut distinguer les mesures structurelles des mesures conjoncturelles. L'élargissement du prêt à taux zéro dans l'ancien relève de cette seconde logique. Et je ne veux pas que l'on reste dans l'idée qu'il n'existe plus : 12 à 15 % des prêts à taux zéro distribués le sont avec un quota de travaux de 34 %.

Sur le fond, quelle est la ligne directrice de toutes ces réformes ? On vous accuse d'être sur une tendance libérale de désengagement de l'Etat dont l'action se concentrerait sur les plus démunis...

Je ne vois pas comment on peut me dire que je suis sur une tendance libérale. Cela relève des procès d'intention. Nous avons réformé la totalité du secteur du logement parce que, à la mi-1995, tous les éléments d'une crise étaient à nouveau réunis : les plus démunis rencontraient d'extrêmes difficultés ; des locaux vacants se juxtaposaient à des personnes mal logées ; les files d'attente dans les HLM ne faisaient que s'allonger ; les investisseurs délaissaient le secteur ; l'accession sociale à la propriété reculait ; les propriétaires étaient découragés. Tout ceci parce qu'on n'avait pas réformé les dispositifs d'aide au logement et que, constatant leur inefficacité, on était toujours conduit à demander plus d'argent au budget.

Nous avons mis le cap sur deux objectifs :

- D'abord, un objectif social : satisfaire l'attente des Français, c'est-à-dire offrir à chacun le logement qui correspond à ses voeux et à ses moyens. Il s'agit de « construire le droit au logement », étant entendu que cette expression ne doit pas être limitée aux plus démunis.

Dans le secteur le plus social, il faut donner une solution de logement et non pas seulement d'hébergement à ceux qui sont dans une situation de précarité. D'où notre politique de logement d'insertion, de réquisition, la fin des coupures d'eau et de gaz... D'où, aussi, un budget social en forte hausse : 348 millions de francs sont inscrits au budget, les dotations des FSL sont augmentées...

Dans le logement social HLM, nous réformons dans trois directions. D'abord, la fiscalisation de l'aide de l'Etat à la construction de logements sociaux assimile les HLM à un bien de première nécessité et permet de lancer plus de logements. Car à partir du moment où nous disons que nous allons construire 55 000 PLA ou PLA-TS neufs, il n'y a aucune raison d'amputer les dotations. La preuve en est qu'à la fin 1996, nous avons délégué 21 000 «nouveaux» PLA et qu'ils ont effectivement fait l'objet de décision administrative de financement. Le débat sur la question de savoir s'il y a équivalence financière est réglé. Et je note qu'aujourd'hui, avec la baisse du taux du livret A, monter une opération en HLM est beaucoup plus facile.

La deuxième réforme vise à faciliter l'accès aux HLM en changeant le mode d'attribution. La loi sur l'exclusion traitera de son volet législatif mais une grande partie relèvera, je l'espère, du contractuel.

Enfin, l'institution de surloyers est une réforme de justice dont il est évident qu'elle ne porte pas atteinte à la mixité sociale.

Pour l'accession sociale à la propriété, le prêt à taux zéro atteint bien l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir donner un logement correspondant aux souhaits et aux moyens des Français. Nous y parvenons en permettant à 120 000 ménages modestes - dont 78 % sont locataires - d'acheter chaque année. Grâce au prêt à taux zéro, nous libérons 100 000 logements locatifs à petit loyer.

L'amortissement en faveur du locatif privé permet, enfin, d'accroître l'offre de logements locatifs.

- Notre politique a une autre dimension : économique; le logement est un élément majeur de l'activité et ces réformes peuvent se lire aussi au filtre des préoccupations sur l'emploi.

Finalement, vous prenez la même attitude de défense du secteur que vos prédécesseurs...

Je ne crois pas me mettre dans la lignée de mes prédécesseurs quels qu'ils soient. Je fais intervenir l'Etat là où, sans lui, sur le plan économique, il ne se passerait rien et là où, sur le plan social, il y aurait un drame. Je pense que, dans ces cas-là, l'Etat doit remplir sa mission : sans l'aide du prêt à taux zéro, aucun ménage dont les revenus sont inférieurs à trois Smic ne pourrait acheter un logement. Si la collectivité n'aide pas, un logement même locatif n'est pas accessible aux plus modestes. Si l'Etat n'intervient pas, de nombreux ménages dont la situation est instable ou qui ne disposent que d'un petit revenu, ne peuvent pas être logés. Le logement est un bien cher. Il faut une aide de la collectivité.

Par ailleurs, je souhaite que l'initiative des ménages puisse s'exprimer le plus librement possible. Cela veut dire que des ménages qui ont de l'argent pour investir ne doivent pas être découragés. Cela signifie aussi qu'il y a un maximum de gens, dès lors que c'est leur choix, qui peuvent accéder à la propriété. L'Etat n'a pas à se prononcer sur ce choix. Mais, il doit leur donner les moyens de réaliser leur projet.

Au nom de cette conception de l'intervention de l'Etat, celui-ci doit par exemple redonner la règle du jeu dans les attributions de HLM. Il doit assumer sa responsabilité car les HLM ont bénéficié d'une aide importante de la collectivité. L'Etat doit donc veiller à ce que les attributions de logements se fassent dans la transparence, avec citoyenneté et en assurant une égalité des chances.

Autre exemple de cette logique : les réquisitions : si les agents économiques ne comprennent pas qu'il est économiquement indéfendable et socialement injustifiable de stériliser des patrimoines alors même qu'il y a des personnes à la rue, c'est à l'Etat de donner l'impulsion pour corriger cela.

Une des raisons des craintes de désengagement de l'Etat vient de ce que vous avez dû prélever des sommes importantes sur le 1 % pour boucler votre budget.

Le 1 %, c'est l'histoire de coups de rabots successifs. Même s'il apporte effectivement des sommes extrêmement importantes cette année et l'an prochain au budget du logement, il y a trois éléments nouveaux :

- d'abord, le prélèvement se fait dans un cadre contractuel. J'en veux pour preuve que la quasi-totalité des organisations syndicales a signé la convention passée avec l'Etat.

- En contrepartie, le rôle des partenaires sociaux est revalorisé. Il faut que ce mouvement retrouve sa légitimité : elle est dans le paritarisme car ce sont les partenaires sociaux (patronat et syndicats) qui signeront les conventions sur les démunis, les prêts aux HLM, le taux des prêts... Leur rôle doit être revalorisé par rapport aux CIL, qui sont les instruments de cette politique. - Enfin, la réforme donne à l'UESL les moyens de réorganiser la profession. Sa mission est de faire respecter les décisions par les différents collecteurs.

En résumé, la revalorisation du rôle des partenaires sociaux et la réorganisation du réseau des CIL redonnent sa légitimité au 1 %. Il s'agit d'une vraie réforme.

Où en est la réforme des aides à la personne ?

C'est la première fois, là aussi, qu'une réforme des aides à la personne a été engagée. A force de stratifications et de juxtapositions successives, le barème était devenu illisible et cachait des inégalités de traitement. Le mieux était de remettre à plat le dispositif et de construire quelque chose de nouveau basé sur des principes simples.

Notre réforme a deux grands axes : dorénavant lorsqu'on aura des niveaux de ressources comparables et des niveaux de loyers semblables, on aura des niveaux d'aides comparables. En outre, nous allons unifier le barème dans le parc HLM et baser ce barème sur la notion de taux d'effort. La première partie de la réforme sera opérationnelle au 1er février, la deuxième le 1er avril.

Le dossier du Crédit foncier fait la une de l'actualité. Quelle est votre position ?

Il y a, d'une part, l'institution et, d'autre part, les hommes et les femmes qui la composent. L'institution Crédit foncier connaît de réelles difficultés qui ne sont pas dues à la suppression du monopole de la distribution des PAP - j'en veux pour preuve le résultat excellent du Crédit foncier sur le marché du prêt à taux zéro -, mais bien parce qu'elle est sortie de son métier traditionnel, le logement social, pour s'aventurer sur le terrain de la spéculation dans le début des années 90. S'agissant d'une institution financière confrontée à de graves difficultés financières, c'est mon collègue ministre de l'Economie et des Finances, Jean Arthuis, qui pilote pleinement ce dossier depuis le début.

Quant aux hommes et aux femmes qui composent le Crédit foncier, je connais, en tant que ministre du Logement, le véritable savoir-faire qui est le leur en matière de logement social et qui constitue un atout certain.

Palulos : prime à l'amélioration du logement à usage locatif et à occupation sociale.

Anah : Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

FSL : fonds de solidarité logement.

Opah : opération programmée pour l'amélioration de l'habitat.

PST : programme social thématique.

PLA : prêt locatif aidé (TS : très social).

UESL : Union d'économie sociale du logement.

PHOTO: Pierre-André Périssol Ministre du Logement

«Je fais intervenir l'Etat là où, sans lui, sur le plan économique, il ne se passerait rien et là où, sur le plan social, il y aurait un drame »

«L'Etat doit veiller à ce que les attributions d'HLM se fassent dans la transparence»

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