Energie positive et réduction carbone : le label E+C- décrypté
Le label « Bâtiments à Energie Positive & Réduction Carbone » préfigure la future réglementation. Un comité de pilotage associant les professionnels est chargé d’en assurer le suivi.
ISABELLE DUFFAURE-GALLAIS
E+C-, c’est le nom de baptême du nouveau label « Bâtiments à Energie Positive & Réduction Carbone » qui préfigure la future réglementation énergétique et environnementale du bâtiment. L’expérimentation de la réglementation via le label a été lancée comme prévu le 17 novembre par Emmanuelle Cosse. La ministre a, ce jour-là, installé un comité de pilotage coprésidé par l’Etat et Christian Baffy, président du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE). Ce dernier a remercié la ministre de la confiance accordée aux professionnels de la filière construction en les associant, à travers le CSEE, à cette co-construction de la réglementation. Mais il n’en a pas moins souligné que le référentiel mis au point par l’administration en concertation avec la filière soulève des inquiétudes chez certains professionnels. L’expérimenter auprès des maîtres d’ouvrage volontaires avant de le généraliser à toutes les constructions neuves est donc selon lui indispensable, même si le calendrier lui semble très serré. L’Etat s’est en effet engagé, via la loi de transition énergétique pour la croissance verte, à créer dès 2018 une réglementation unique au monde pour des bâtiments bas carbone, et vise par ailleurs à généraliser les bâtiments à énergie positive en 2020. Le délai de conception et de construction d’un bâtiment étant de deux à trois ans, combien de temps restera-t-il pour évaluer les retours d’expérience et ajuster les critères ? Emmanuelle Cosse, qui reste optimiste, a insisté sur l’enjeu international de cette réglementation qui réunira, pour la première fois, des exigences en matière d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment. « La France devrait occuper une place de choix dans la construction bas carbone en développant des solutions innovantes dont la faisabilité technique et financière aura été évaluée. »
Discrimination entre matériaux, surcoûts, délais
Les représentants de la filière réunis au sein du CSCEE s’engagent derrière leur président dans l’expérimentation de la future réglementation, avec plus ou moins d’enthousiasme. Ils l’ont exprimé au cours du colloque intitulé « Réussir collectivement le défi de la future réglementation environnementale : vers des bâtiments à énergie positive et bas carbone », qui a suivi la signature de la convention des parties prenantes à cette expérimentation. Les bailleurs sociaux affichent leur volonté d’être exemplaires. Ainsi, l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) avait déjà signé, lors du congrès HLM de Nantes, le 29 septembre dernier, une charte d’engagement avec l’Etat pour produire dès 2017 des bâtiments répondant aux critères du label énergie-carbone. Jean-Marc Gremmel, directeur du Toit Vosgien, est depuis longtemps converti aux bâtiments à fort potentiel écologique et s’appuie sur la filière bois régionale pour construire des immeubles à faible empreinte carbone, comme ce R+8 tout bois à isolation paille livré début 2014. Mais il admet que ce modèle constructif n’est pas transposable dans toutes les régions. Pour Louis Ziz, à la Fédération des Promoteurs Immobiliers, il ne faudrait surtout pas privilégier une seule solution technique. Quant à Jacques Chanut, président de la FFB, il juge que « ce n’est pas une élite qui va sauver le monde, mais qu’il faut tenir compte des réalités et trouver un socle commun ». Il craint notamment que les seuils affichés dans le référentiel disqualifient certains matériaux. Or la construction a besoin de toutes les filières.
Du côté des promoteurs et des constructeurs de maisons individuelles, c’est la maîtrise des coûts qui inquiète. D’autant qu’il est encore plus difficile de promettre aux acquéreurs un retour sur investissement pour l’empreinte carbone que pour la performance énergétique.
Enfin, l’inquiétude la plus partagée porte sur le délai dans lequel devra être réalisée l’expérimentation si l’on doit respecter les engagements de 2018 et 2020 de l’Etat. « Il ne faudrait pas sacrifier le temps de l’évaluation du retour d’expérience », prévient Christian Baffy. La Capeb, représentée par sa vice-présidente Sabine Basili, juge quant à elle que le projet de future réglementation est ambitieux mais réalisable à condition de disposer d’un temps raisonnable pour que tous s’approprient ces nouvelles donnée. Et pour mettre tout le monde d‘accord, « la date de la réglementation est secondaire, relativise Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable. Seule compte la trajectoire ».
Calcul des performances
« La démarche d’expérimentation est volontaire, rappelle la DHUP. Tous les maîtres d’ouvrage qui souhaitent construire des bâtiments suivant la méthodologie de l’expérimentation peuvent y participer. » Ceux-ci sont invités à concevoir et à construire des bâtiments suivant le référentiel « Energie - carbone » établi par l’Etat et pouvant atteindre les niveaux de performance proposés en termes d’énergie et de carbone.
Les calculs des indicateurs de performance énergétique du bâtiment se font avec le moteur de calcul fourni par le ministère en charge de la construction, complément au moteur actuel utilisé pour le calcul réglementaire.
Pour le calcul des performances environnementales, l’expérimentation intègre deux approches : une approche simplifiée pour faciliter l'évaluation des impacts environnementaux du bâtiment et une approche détaillée pour permettre aux maîtres d'ouvrage exemplaires de valoriser leurs efforts.
Les maîtres d’ouvrage pourront vérifier eux-mêmes (auto-évaluation) l’atteinte de ces niveaux ou confier cette vérification à des certificateurs.
Un site Internet (www.batiment-energiecarbone.fr) a été mis en place pour accompagner les volontaires. Il constitue l’interface des maîtres d’ouvrage pour la saisie des données du bâtiment et l’alimentation d’une base de données des performances environnementales des bâtiments (BPEB). La BPEB permet de collecter et de stocker les données sur les bâtiments évalués selon le référentiel officiel : leurs caractéristiques techniques et de performance énergétique et environnementale ainsi que les données économiques permettant d’évaluer la soutenabilité financière des niveaux de performance cibles expérimentés.
Des labels dès la fin de l’année
L’Etat a créé le label E+C- « Energie Positive & Réduction Carbone » pour reconnaître et valoriser les bâtiments performants et évalués comme tels par une tierce partie indépendante. Les niveaux de performance énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre requis dans le cadre du label sont conformes aux dispositions inscrites dans le référentiel.
Pour bénéficier du label, plusieurs combinaisons sont possibles en choisissant parmi les quatre niveaux de performance énergétique et les deux niveaux carbone (lire notre article).
Le label sera délivré par l’un des cinq organismes de certification ayant passé une convention avec l’Etat :
- Céquami pour la maison individuelle en secteur diffus,
- Cerqual pour le logement collectif et individuel groupé, les résidences services et les établissements médico-sociaux,
- Certivéa pour les bâtiments non résidentiels,
- Prestaterre pour les logements collectifs et les maisons individuelles,
- Promotelec Services pour les logements collectifs et les maisons individuelles.
Ces organismes de certification réalisent des contrôles de conformité des bâtiments aux exigences du label à plusieurs stades d’avancement : en phase études et pendant le chantier. L’attribution définitive du label par l’organisme intervient à l’issue du contrôle de conformité « phase chantier » et une fois toutes les non-conformités levées.
Seuls les maîtres d’ouvrage labellisés par un des certificateurs ayant passé une convention avec l’Etat pourront utiliser le nom et le logo du label E+C- « Energie Positive & Réduction Carbone ».
Les certificateurs pourront délivrer le label E+C- « sec » ou l’ajouter à leurs autres certifications, par exemple NF Habitat pour Cerqual. Les premiers seront près dès la fin 2016. D’autres ne seront pas dsponibles avant février 2017, comme celui de Cequami.
Energie positive et réduction carbone : le label E+C- décrypté
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