Efficacité énergétique: Bruxelles menace d'imposer des objectifs en 2014
La Commission européenne a mis en demeure mercredi 22 juin les gouvernements de l'Union européenne de réaliser des économies dans leur consommation nationale d'énergie au cours des deux prochaines années, menaçant de leur imposer des objectifs contraignants en 2014 en cas d'échec.
Adrien Pouthier avec Enerpresse
L'Union européenne a pris en 2008 trois engagements pour 2020 au titre de la lutte pour le climat: réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à leurs niveaux de 1990, utiliser 20% d'énergies renouvelables et réaliser 20% d'économies grâce à l'efficacité énergétique. Trois ans plus tard, la Commission dresse un constat d'échec pour l'efficacité énergétique : l'Union européenne n'a en effet réalisé que 3% de son objectif en 2010. Et si rien n'est fait pour renverser cette tendance, elle ne réalisera que 9% de son objectif en 2020.
La Commission européenne a donc décidé dans une directive publiée le 22 juin d'adopter des mesures pour accélérer les choses.
Le commissaire en charge de l'Energie Günther Oettinger a ainsi exposé mercredi une stratégie en "deux temps" pour inciter les Etats à respecter leurs engagements. "Dans un premier temps, pendant les années 2012 et 2013, nous laissons les Etats agir avec des mesures volontaires. Mais si nous ne constatons aucun progrès significatif à la fin de l'exercice, alors nous mettrons en place en 2014 des mesures contraignantes", a-t-il expliqué. "Tout le monde doit être impliqué dans l'effort: les particuliers, les pouvoirs public et les industriels", a-t-il souligné.
Le bâtiment est évidemment le terrain d'action privilégié grâce aux techniques d'isolation.
Voici les mesures phares proposées par la Commission
-l’obligation légale, pour tous les États membres, d’établir des plans d’économie d’énergie: les entreprises de distribution d’énergie ou de vente d’énergie au détail seront tenues de réaliser chaque année, au niveau des consommateurs finaux, des économies d’énergie représentant 1,5% de leurs ventes en volume, par la mise enœuvre de mesures d’efficacité énergétique, telles que l’amélioration du système de chauffage, l'installation de double vitrage ou l'isolation du toit. Alternativement, les États membres pourront proposer d’autres dispositifs d’économie d’énergie, par exemple des programmes de financement ou des accords volontaires, conduisant aux mêmes résultats, mais n’imposant pas d’obligation aux entreprises de distribution ou de vente d’énergie;
Commentaire de la Rédaction : Pour justifier cette clause ajoutée apparemment au dernier moment alors que l'on attendait l'imposition d'un modèle de certificat d'économie d'énergie "à la française", Günther Oettinger a expliqué : « les Etats membres doivent pouvoir mettre en œuvre [les économies d’énergie] de la manière dont ils le veulent. Il y a des modèles qui ont fait leurs preuves, mais ils ne doivent pas être obligatoires. Nous voulons un concours d’idées ». Un revirement de dernière minute qui diminue sensiblement la crédibilité de cette Directive, vu que cette mesure-phare est censé rapporter 108 à 118 mtep, soit 6,4% d’économies d’énergie d’ici 2020 sur les 10% qui restent à trouver pour parvenir à 20% d’économies. A la place, les Etats membres « peuvent, par exemple, [proposer] des programmes de financement ou des accords volontaires », ces derniers étant explicitement qualifiés, dans l’exposé des motifs, d’ « insuffisants pour réaliser le potentiel disponible d’économies » ! Une clause qui, en tout cas, ôte une grosse épine du pied de certains fournisseurs d’énergie dans certains pays. (avec le correspondant permanent d'Enerpresse à Bruxelles, Hugues Belin)
-un secteur public qui doit donner l’exemple: "12% des bâtiments dans l'UE appartiennent au secteur public, mais seulement 1,5% sont aménagés chaque année pour répondre aux objectifs d'efficacité énergétique", a souligné Günther Oettinger. Les organismes publics devront donc favoriser la pénétration sur le marché de produits et services économes en énergie, par l’obligation légale qui leur incombera d’acheter des bâtiments, produits et services à faible consommation d’énergie. Ils devront en outre réduire progressivement la consommation d’énergie dans leurs propres locaux en faisant réaliser chaque année les travaux de rénovation requis, qui devront couvrir au moins 3% de la surface au sol totale (1), ce qui leur permettrait "de montrer l'exemple" aux particuliers.
-des économies d’énergie importantes au niveau des consommateurs: les consommateurs doivent être en mesure de mieux gérer leur consommation d’énergie grâce à un accès aisé et gratuit aux données relatives à leur consommation en temps réel et à leur historique de consommation, établies à l’aide de compteurs plus précis. La facturation devrait être basée sur la consommation réelle, calculée à partir des données fournies par les compteurs;
-entreprises: les PME seront encouragées à se soumettre à des audits énergétiques et à diffuser les bonnes pratiques, tandis que les grandes entreprises seront tenues de procéder à un audit de leur consommation d’énergie, censé les aider à déceler où des économies d’énergie sont possibles;
-efficacité de la production d’énergie: la proposition prévoit un contrôle du niveau d’efficacité des nouvelles capacités de production d’énergie, ainsi que l’établissement de plans nationaux en matière de chauffage et de climatisation comme base de planification saine et efficace des infrastructures de chauffage et de climatisation, y compris avec récupération de la chaleur perdue;
-transport et distribution de l’énergie: il s’agit de réaliser des gains d’efficacité énergétique en imposant aux régulateurs nationaux de tenir compte de critères en la matière dans leurs décisions, notamment lorsqu’ils approuvent les tarifs de réseaux.
Consulter la directive européenne ici
Quid des CEE ?Les Certificats d'Economie d'Energie en France représentent : 0,95 % d'économie dans la consommation finale du secteur résidentiel-tertiaire. 3,9 milliards d'euros de travaux. Une réduction de facture de chauffage pour les consommateurs de 4,3 milliards d'euros.
Total des certificats délivrés à fin mai 2011 : 202 terawattheures cumac (terawattheures économisés cumulés sur la durée de vie de l'équipement ou du service avec un taux d'actualisation de 4 %), dont 54 au titre de la première période.
"Pour la 2ème (objectif global 345 TWh, dont 90 pour les carburants), l'objectif serait donc déjà réalisé a plus de 40 pour cent", estime l'Ademe.
Sauf que d'après le ministère de l'Ecologie, le mode de calcul de ce dispositif uniquement français ne permet pas de comparer avec l'objectif de la Commission européenne...
(1) Sans préjudice de l’article 7 de la directive 2010/31/EU, chaque État membre veille à ce qu’à partir du 1er janvier 2014, 3 % de la surface au sol totale des bâtiments détenus par ses organismes publics soient rénovés chaque année de manière à satisfaire au moins les exigences minimales en matière de performance énergétique qu’il a fixées en application de l’article 4 de la directive 2010/31/UE. Le taux de 3 % est calculé par rapport à la surface totale au sol des bâtiments appartenant aux organismes publics de l’État membre en cause et ayant une surface au sol utile totale supérieure à 250 m² (près de deux fois l'objectif actuel, ndlr) qui, au 1er janvier de chaque année, ne satisfait pas aux exigences nationales minimales en matière de performance énergétique fixées en application de l’article 4 de la directive 2010/31/UE.