Loi Elan : le droit de la construction redessiné

Des mesures du projet de loi Elan, qui sera définitivement adopté par le Sénat le 16 octobre, font évoluer les règles applicables aux marchés privés et au droit de la construction. Accessibilité, préfabrication, logement « à finir », assurance obligatoire… Analyse des nouveautés issues de la commission mixte paritaire réunie le 19 septembre dernier.

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Loi Elan : le droit de la construction redessiné
Vefa, CCMI, accessibilité... Elan modifie nombre de règles du droit de la construction

Elles ont, pour certaines, peu fait parler d’elles, et pourtant ces dispositions de la loi Elan ne sont pas neutres pour le secteur du BTP. Elles simplifient ou modernisent des règles applicables aux marchés privés de travaux (CCMI, Vefa…) ou au droit de la construction. Du moins, tel est leur objectif.

Accompagner l’essor de la préfabrication


Un peu passé de mode dans les années 2000, le préfabriqué est à nouveau prisé. Le déploiement du numérique et de la robotique y contribue. Et le gouvernement souhaite encourager son essor, tant la préfabrication serait vertueuse : plus rapide, plus propre, plus sûre que les travaux sur chantier, elle contribuerait également à l’économie circulaire de la construction. Pour lui donner un coup de pouce, les rédacteurs de la loi Elan ont estimé nécessaire d’adapter la réglementation à ce mode constructif renouvelé.

Cela se traduit par deux mesures. D’une part, le texte dote la préfabrication d’une définition, insérée à l’article L. 111-1-1 du Code de la construction et de l’habitation. Désormais, il sera clair pour tout le monde que : « La préfabrication consiste à concevoir et réaliser un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués assemblés, installés et mis en œuvre sur le chantier. Ces éléments préfabriqués font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert de la construction et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers. Ils sont produits sur un site qui peut être soit une usine ou un atelier, soit une installation temporaire jouxtant le chantier. »

D’autre part, le texte habilite l’exécutif à prendre une ordonnance, dans un délai de six mois. Objectif : adapter le régime applicable au contrat de construction d’une maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plan à l’hypothèse dans laquelle le constructeur assure « la fabrication, la pose et l’assemblage sur le chantier d’éléments préfabriqués pour réaliser l’ouvrage ».
L’habilitation ainsi rédigée en commission mixte paritaire n’en dit pas plus.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, il s’agirait de créer dans le cadre du CCMI un échéancier de paiement spécifique à la préfabrication. Celui aujourd’hui en vigueur répond en effet « aux besoins de financement des constructeurs réalisant des maisons par voie humide, c'est-à-dire selon l'avancement du chantier (pose des parpaings/briques, mise hors d'eau, mise hors d'air, réalisation des façades...) ».

S’il avait été envisagé au stade de l’avant-projet de loi d’encourager également le recours à la préfabrication dans les marchés publics via des aménagements au principe d’allotissement, le texte final a totalement abandonné cette idée.

De l’accessibilité à l’évolutivité

Concernant l’assouplissement des règles d’accessibilité des constructions aux personnes handicapées, le projet de loi Elan aboutit à un compromis - certainement pas un consensus. Il prévoit notamment qu’un décret viendra fixer les modalités applicables à la construction de bâtiments d’habitation collectifs, avec une obligation de 20 % de logements (et au moins un logement) accessibles par bâtiment, contre 100 % jusqu’à présent. Et les 80 % restants ? Ils devront simplement être « évolutifs ».

Le futur décret, déjà quasiment ficelé comme l’a annoncé le secrétaire d’Etat Julien Denormandie au « Moniteur », viendra préciser cette notion. Mais la loi donne déjà un cadre. Elle énonce que « la conception des logements évolutifs doit permettre la redistribution des volumes pour garantir l’accessibilité ultérieure de l’unité de vie, à l’issue de travaux simples ». Et précise les caractéristiques suffisantes pour considérer un logement comme évolutif : « Une personne en situation de handicap doit pouvoir accéder au logement, se rendre par un cheminement accessible dans le séjour et le cabinet d’aisance, dont les aménagements et les équipements doivent être accessibles, et en ressortir » ; et « la mise en accessibilité des pièces composant l’unité de vie du logement est réalisable ultérieurement par des travaux simples ».

Les parlementaires, aiguillonnés par les représentants de la société civile, ont fermement bataillé sur ce dispositif, les uns souhaitant fixer la barre des logements accessibles à 10 %, les autres à 30%, les derniers refusant de renoncer au principe du 100 % accessible. Ceux-là craignent notamment qu’à l’avenir, les personnes en situation de handicap se trouvent cantonnées aux logements les moins recherchés tels que des rez-de-chaussée.

Vefa : la garantie financière d’achèvement sécurisée…

Reprenant les conclusions de travaux menés par les professionnels de la banque, de l’immobilier et de l’assurance en 2017 (lire notre article), le projet de loi Elan s’attache à clarifier les modalités de réalisation et de financement des travaux d’achèvement d’un immeuble vendu en Vefa. Les opérations de Vefa concernées sont celles du « secteur protégé » (locaux d’habitation ou mixtes).

Tout d’abord, le texte donne une définition à la notion de « défaillance financière du vendeur » pouvant déclencher la garantie financière d’achèvement (GFA). Est ainsi visée l’ « absence de disposition des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble ».
Et ensuite, il répond clairement à la question de qui doit se charger de faire réaliser les travaux d’achèvement. Le texte prévoit ainsi que le garant financier de l’achèvement pourra faire désigner un administrateur ad hoc par le juge. Cet administrateur jouera le rôle de maître d’ouvrage pour faire exécuter les travaux nécessaires – le coût de sa rémunération et celui des travaux étant à la charge du garant. Objectifs : gagner du temps et éviter des contentieux.

… et la naissance du logement « à finir »

Concernant la Vefa toujours, Elan veut apporter de la souplesse aux acquéreurs du secteur résidentiel. Le texte prévoit que le contrat préliminaire pourra comporter une clause par laquelle l’acheteur se réserve la réalisation de travaux de finition ou l’installation d’équipements après la livraison de l’immeuble. C’est, autrement dit, l’avènement du logement « à finir ».

L’étude d’impact a en effet constaté que de plus en plus de clients souhaitent réaliser eux-mêmes certains travaux tels que l’installation des sanitaires ou des travaux de peinture. L’exemple typique est celui du lavabo standard posé par le promoteur, et aussitôt mis à la décharge par l’acquéreur pour le remplacer par un équipement plus à son goût. Un décret viendra notamment détailler la nature des travaux que ce dernier pourra ainsi se réserver. Si l’acquéreur change d’avis dans le délai prévu, le vendeur devra effectuer lui-même les travaux réservés, au prix convenu dans le contrat préliminaire. S’il ne se rétracte pas, la description desdits travaux devra figurer in fine dans le contrat de Vefa.

L’assurance des travaux sur existant remodelée (pour le meilleur ou pour le pire)

C’est peut-être l’une des dispositions les plus ardues à commenter du projet de loi Elan. Le texte vient exclure de l’assurance construction obligatoire les dommages aux « existants », à l’exception, précise-t-il, « de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles ». L’ambition est de contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation initiée en 2017, qui a étendu considérablement le champ de la responsabilité décennale.

Mais les spécialistes critiquent la rédaction de cette disposition, qui pourrait la rendre inefficace voire contreproductive… Notamment parce que le législateur ne s’attaque qu’à la question de la couverture assurantielle. Or, ce n’est pas parce que l’assurance obligatoire ne sera pas applicable aux dommages aux existants que la responsabilité décennale des intervenants ne pourra pas être engagée, si la Cour de cassation maintient sa jurisprudence. Ceux-ci risquent donc de devoir quand même se faire assurer pour ces dommages ! Il faudra sans doute plusieurs années pour mesurer, à travers les décisions des juges, les effets de cette intervention un peu hâtive du législateur.

Des études géotechniques obligatoires pour éviter des sinistres

Un dernier article mérite, enfin, d’être souligné. Il vient s’attaquer à la sinistralité liée au retrait-gonflement des argiles - premier poste d'indemnisation au titre de l'assurance dommages ouvrage pour les désordres touchant les maisons individuelles.
Dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols (définies par arrêtés), la loi obligera le propriétaire à réaliser une étude géotechnique avant de vendre un terrain constructible ou de bâtir un nouvel immeuble. Les terrains non bâtis et situés dans des secteurs où les dispositions d’urbanisme interdisent la construction de maisons individuelles ne sont toutefois pas concernés.

Les maîtres d’œuvre et entreprises de travaux auront ainsi, avant de s’engager avec un maître d’ouvrage, accès à un exemplaire de l’étude géotechnique. Et il sera mentionné, dans leurs contrats ensuite conclus, que les travaux convenus « intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». Tout cela sera mis en musique par un décret, qui définira notamment le contenu et la validité des études requises.

Retrouvez les décryptages des autres volets de la loi Elan en cliquant ici

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