Déclaration d'insalubrité d'un immeuble

ARRET DU CONSEIL D'ETAT DU 29 DECEMBRE 2000 - « MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE - M. DELERUE » - N° 198220, N° 199062

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Vu 1°), sous le n° 198220, le recours, enregistré le 24 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre de l'emploi et de la solidarité demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 22 juin 1998 en tant que par ledit arrêt la cour a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 14 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 21 février 1989 du préfet du Tarn-et-Garonne classant "insalubres irrémédiables" les immeubles sis sur les parcelles 441, 442 (pour partie) de la section AB de la commune de Caylus appartenant à M. Delerue ;

Vu 2°), sous le n° 199062, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 21 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Delerue, demeurant 14, rue de Brug à Saint-Jean-de-Vedas (34430) ; M. Delerue demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt en date du 22 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 14 mai 1992 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé l'arrêté du 21 février 1989 du préfet du Tarn-et-Garonne classant "insalubre irrémédiable" l'immeuble sis sur la parcelle AB 445 lui appartenant et a rejeté sa demande devant le tribunal en ce qui concerne ladite parcelle ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant que les requêtes n°s 198220 et 199062 sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 22 juin 1998 ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;

Sur les parcelles AB 441 et AB 442 :

Considérant, en premier lieu, que pour rejeter l'appel du ministre de l'emploi et de la solidarité contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse annulant l'arrêté du préfet du Tarn-et-Garonne en date du 21 février 1989 en tant qu'il concerne les parcelles AB 441 et AB 442 de la section AB de la commune de Caylus, la cour s'est fondée sur le fait que les immeubles situés sur ces parcelles et dépourvus d'occupants, bien qu'anciens et de qualité médiocre, ne mettaient pas en danger la salubrité de l'îlot ; qu'en analysant ainsi la situation des immeubles, situés sur des parcelles contiguës et qui sont dans un état comparable, elle a suffisamment motivé son arrêt ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que les immeubles situés sur les parcelles AB 441 et AB 442 ne mettaient pas en danger la salubrité de l'îlot, la cour ne s'est pas méprise sur la nature de la procédure au terme de laquelle a été pris l'arrêté du préfet du Tarn-et-Garonne et qui a été engagée en application des articles L. 36 à L. 41 du code de la santé publique applicables à la date de son arrêt ; qu'elle a pu, sans commettre d'erreur de droit, vérifier si les immeubles présentaient un danger pour la salubrité du voisinage ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que l'insalubrité des immeubles en cause n'avait pas un caractère irrémédiable, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'emploi et de la solidarité n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 22 juin 1998 en tant qu'il a confirmé le jugement du tribunal administratif de Toulouse annulant l'arrêté du préfet du Tarn-et-Garonne en date du 21 février 1989, en tant que cet arrêté concerne les parcelles AB 441 et AB 442 ;

Sur la parcelle AB 445 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'en se bornant à juger que les restes du bâtiment situés sur la parcelle 445 constituaient une source d'in-salubrité irrémédiable pour le voisinage sans rechercher, comme elle y était invitée par M. Delerue, si des travaux de réfection d'un coût non disproportionné par rapport à la valeur de l'immeuble pouvaient y remédier, la cour a insuffisamment motivé son arrêt et n'a pas ainsi mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il concerne la parcelle AB 445 ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, "Lorsque l'affaire fait l'objet d'un deuxième pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire." ; qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, en application de cette disposition, de statuer définitivement sur les conclusions de l'appel du ministre de l'emploi et de la solidarité dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 1992 en tant que ce jugement annule l'arrêté préfectoral du 21 février 1989 en ce que ledit arrêté est relatif à la parcelle AB 445 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. Delerue :

Considérant que le recours dont dispose le propriétaire ou le locataire d'un immeuble contre la décision par laquelle l'autorité préfectorale déclare cet immeuble insalubre, en application des articles L. 36 à L. 41 du code de la santé publique auxquels ont été substitués les articles L. 1331-17 à L. 1331-22 du code annexé à l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000, est un recours de plein contentieux ; qu'il appartient dès lors au Conseil d'Etat, en tant que juge d'appel d'un jugement de tribunal administratif ayant statué sur un tel litige, de se prononcer sur le caractère de l'immeuble en cause d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de sa décision ; qu'il résulte de l'instruction que l'état de la parcelle AB 445 sise sur le territoire de la commune de Caylus ne justifie pas légalement une déclaration d'insalubrité au titre des articles L. 1331-17 et suivants du code de la santé publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'emploi et de la solidarité n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 1992 en tant qu'il annule l'arrêté du préfet du Tarn-et-Garonne en date du 21 février 1989 en ce qu'il concerne la parcelle AB 445 ;

Sur les conclusions de M. Delerue tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I et de l'article L. 8-1 susvisés et de condamner l'Etat à verser à M. Delerue la somme de 40 000 F au titre des frais exposés par lui en appel et en cassation et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 22 juin 1998 est annulé en tant qu'il concerne la parcelle AB 445.

Article 2 : Le pourvoi du ministre de l'emploi et de la solidarité, ensemble le recours qu'il a formé devant la cour administrative d'appel de Bordeaux contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 24 mai 1992 en tant qu'il annule l'arrêté du préfet du Tarn-et-Garonne en date du 21 février 1989 en ce qu'il concerne la parcelle AB 445, sont rejetés.

Article 3 : L'Etat versera à M. Delerue une somme de 40 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

COMMENTAIRE MONITEUR DU 23 MARS 2001, PAGE 91

Les articles L. 36 à 41 du Code de la santé publique, devenus les articles L. 1331-17 à L. 1331-22 du même code, depuis l'intervention de l'ordonnance du 15 juin 2000 portant recodification du Code de la santé publique, donnent à l'autorité préfectorale le pouvoir de déclarer insalubre un immeuble.

QUESTION Quelle est la nature du recours dont dispose le locataire ou le propriétaire contre une telle décision ?

REPONSE Le Conseil d'Etat confirme qu'il s'agit d'un recours de plein contentieux. Cette qualification a une conséquence majeure : celle de contraindre le juge, lorsqu'il doit apprécier la légalité d'une décision de déclaration d'insalubrité d'un immeuble, en application des dispositions des articles L. 1331-17 à L. 1331-22 du Code de la santé publique, de se placer à la date où il statue pour apprécier le caractère salubre ou non de l'immeuble considéré, et non à celle où la décision a été prise.

COMMENTAIRE Il s'agit ici de la confirmation de la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'Etat, mais sur la base de la numérotation issue du nouveau Code de la santé publique annexé à l'ordonnance no 2000-548 du 15 juin 2000.

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