Coup d’accélérateur sur les bornes de recharge
Après l’Assemblée nationale le 6 mai, le Sénat a adopté mardi 3 juin la proposition de loi facilitant l’implantation de bornes de recharge pour véhicules électriques sur le domaine public. Comme pour la téléphonie mobile, il s’agit d’éviter les « zones blanches ».
Guillaume Maincent
Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, en avait fait un cheval de bataille en mai 2013 : sans maillage ni opérateur national, point de chance de voir se multiplier les infrastructures de recharge pour véhicules électriques au-delà de l’échelle de la commune ou de l’intercommunalité. Or le succès de l’électromobilité passe par l’assurance qu’en tous points du territoire, une borne, si possible à recharge rapide, sera disponible pour toute Zoé, Kangoo ZE ou Citroën C Zéro. Et cela, même si les études montrent que seule une charge sur dix sera effectuée en voirie, contre neuf sur dix à la maison ou au bureau. « Il faut une borne de recharge tous les 60 kilomètres dans le pays afin d’éviter les zones blanches », a twitté le désormais ministre de l’Economie ce mardi 3 juin, lors de l’examen au Sénat de la proposition de loi édictant ceci : « L’État ou tout opérateur, y compris un opérateur au sein duquel une personne publique détient, seule ou conjointement, une participation directe ou indirecte, peut créer, entretenir et exploiter sur le domaine public de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements un réseau d’infrastructures nécessaires à la recharge de véhicules électriques et de véhicules hybrides rechargeables sans être tenu au paiement d’une redevance, lorsque cette opération s’inscrit dans un projet de dimension nationale ».
Un projet sera considéré comme national dès lors que celui-ci concerne le territoire « d’au moins deux régions ». « Il est apparu que le fait de donner aux seules collectivités locales la compétence de déployer des infrastructures de recharge entraîne des distorsions en fonction des territoires, et ne répond pas au besoin de relier les grandes métropoles entre elles. Il fallait y remédier », commente Marie Castelli, secrétaire générale d’Avere France, l’association nationale pour le développement de la mobilité électrique. Le département d’Indre-et-Loire, par exemple, a ainsi implanté des bornes, aidée par l’Ademe qui dispose d’une enveloppe de 50 millions d’euros pour ce programme, mais pas ses voisins du Loir-et-Cher ou du Maine-et-Loire. Que fera le conducteur d’une Zoé qui se rend d’un département à l’autre ?
Exonération de redevance
Toutefois, la nouveauté du texte réside surtout dans l’exonération : contrairement à Bolloré pour ses bornes Autolib, par exemple, l’opérateur du réseau n’aura pas à verser de loyer à la commune ou la collectivité propriétaire de la voirie pour implanter une borne. Lors de son adoption en commission du développement durable du Sénat, le 27 mai, le texte prévoyait d’indemniser lesdites collectivités en augmentant leur dotation globale de fonctionnement, l’Etat entendant puiser cet argent dans la fiscalité du tabac. Mais, tout comme l’avait fait l’Assemblée nationale à l’examen du texte le 6 mai, la disposition a été supprimée. La commission mixte paritaire, ultime étape de ce texte placé en procédure accélérée, ne devrait pas non plus revenir sur ce point. « Cette exonération de redevance n’est pas anodine, elle permettra aux opérateurs intéressés d’alléger leurs coûts fixes dans un modèle économique, qui certes reste à construire, mais comprendra de toute façon des services payants : réservations de prises, géolocalisation, etc. », apprécie Marie Castelli.
Porte ouverte au montage privé/public
De même, la commission députés-sénateurs maintiendra sur un piédestal la notion d’opérateur public. Ne pourront postuler à ce marché que des entreprises ou établissements à capitaux majoritairement d’Etat, comme EDF, qui s’est déclarée intéressée. Mais le texte laisse la porte ouverte aux montages capitalistiques associant un opérateur privé à des partenaires publics type SEM ou Caisse des Dépôts. Un Vinci pourrait ainsi devenir opérateur – en plus de son réseau de bornes privatives en parking - en s’associant à de telles structures. Sous réserve, bien sûr, de validation par le gouvernement.
Obligation de points de charge sur les parkings des constructions existantes
Dernier point : ce texte préfigure l’un des volets de la future loi de programmation pour la transition énergétique (PLPTE). Ségolène Royal a en effet indiqué que dans ce paquet très attendu, il sera question de « déploiement de points de recharge pour véhicules électriques et hybrides, dans la continuité de la proposition de loi » votée mardi au Sénat. La ministre de l’Ecologie a fait cette annonce mi-mai, en recevant le rapport du député Denis Baupin et de la sénatrice Fabienne Keller sur « les nouvelles mobilités sereines et durables », commis au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Devrait ainsi figurer dans le PLPTE « l’obligation d’intégrer des places réservées et des points de charge sur les parkings de toutes les constructions existantes (bureaux, logements, équipements) ». Jusqu’à présent, la loi n’imposait cette mesure, appelée « droit à la prise », qu’au neuf : une obligation d’équipement au 1er janvier 2012 pour toute construction neuve dotée d’un parking, une autre en 2015 pour tout immeuble de bureaux avec parking.
Le dernier décompte de l’Avere fait état de « plus de 8 000 bornes » implantées en métropole au 1er janvier, tous sites confondus (bornes d’autopartage, sur parking, près des aéroports, en grandes surfaces, etc.). Arnaud Montebourg a fait le pari de doubler ce nombre avant la fin de l’année. En cela, il sera aidé par l’Europe : le projet de directive CPT (Clean Power for Transport) fixe un nombre minimal de stations-services pour carburants alternatifs (GNL, GNV, électricité, hydrogène) à déployer dans chaque Etat membre d’ici à fin 2020. La France écope d’un objectif provisoire de 970 000 points de charge électrique, dont au moins 10 % devront être ouverts au public.
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