Construire IGH et tours en bois (2/2) : quelles techniques pour dépasser R+10 ?
Alors que le prochain projet en bois du Toit Vosgien, un R+10 à Saint-Dié sera également construit en panneaux KLH. Peut-on continuer à gagner en hauteur en construisant à l'aide de panneaux contre-collés structurels ?
Pascal Poggi - Les Cahiers techniques du bâtiment
Waugh Thistleton Architects qui étudie un projet de 24 niveaux en bois à Manchester est sceptique sur la possibilité d'un gain de hauteur sans limite. Selon eux, si le bâtiment est construit en panneaux bois structurels, pour résister aux descentes de charge d'un bâtiment de 20 niveaux, les murs porteurs des premiers niveaux atteindraient des épaisseurs dissuasives. Ce qui a une incidence sur leur poids, donc sur leur coût de transport, facteur majeur dans la mesure où, dans le cas de la Grande-Bretagne, ces panneaux sont préfabriqués en Autriche et importés.
Deuxièmement, l'épaisseur maximale des panneaux structuraux actuels est de 30 cm environ. Pour un bâtiment de 20 étages ou plus, ce ne sera pas suffisant dans les premiers niveaux. D'ailleurs KLH recommande ses panneaux structurels pour des bâtiments jusqu'au R+14. Pourtant, les panneaux structuraux présentent d'incomparables avantages dans l'organisation des volumes intérieurs.
Le nouveau bâtiment de Whitmore Road construit à Londres au bord du Regent's Canal par Waugh Thistleton Architects comporte en son centre un studio photographique double hauteur : 9 m de hauteur libre sous plafond, 23 m en longueur sans poteaux, tout cela grâce aux panneaux bois structurels de grande hauteur et de grande longueur. Pour construire 24 niveaux en bois, Waugh Thistleton Architects imagine une structure mixte : poteaux-poutres en lamellé-collé + panneaux structurels sur les douze premiers niveaux, afin de ne pas épaissir les murs outre-mesure. C'est également l'avis de l'architecte Michael Green qui a dévoilé en Mars 2012 le projet « Tall Wood », une tour mixte bureaux-logements de 30 niveaux destinée à Vancouver.
Les projets de grande hauteur
Pour son projet Tall Wood, Michael Green propose une structure particulière : un cœur composé de panneaux de bois structurels, renforcés par des poutre acier, une périphérie en poteaux-poutres en lamellé-collé, renforcé par des poutres acier traversant le bâtiment. Les planchers sont en panneaux bois structurels. Michael Green et l'ingénieur structures J. Eric Karsh ont rédigé un guide de 240 pages ce procédé.
Le guide « The Case for Tall Wood Buildings » (Pour la défense des bâtiments bois de grande hauteur) est en anglais, mais librement téléchargeable.
De leur côté, les architectes Skidmore, Owings & Merill (SOM) de Chicago, qui ont à leur actif la réalisation One World Trade Center à New York, ont développé une technologie pour construire à Chicago une tour mixte de 42 étages. Leur projet est détaillé dans un document téléchargeable .
Publié le 6 mai 2013, ce document non-seulement explique leur procédé, mais aussi le compare à chaque étape à un bâtiment béton de 42 étages construit par SOM en 1965. Leur méthode combine poteaux, poutres, panneaux de bois massifs et renforcements à l'aide de plaques en acier à la jonction des poteaux-poutres ou bien à l'aide de poutre en béton armé horizontales, disposées à la fois en périphérie le long de la façade et en traversant. Dans les deux cas, Michael Green et SOM, les fondations et les niveaux enterrés sont en béton armé. Dans l'approche SOM, la tour de 42 étages est constituée à 70% de bois, 30% de béton armé. Son poids serait de 16 100 tonnes, contre 35 900 tonnes pour le même bâtiment en béton. Les émissions de CO2 atteindraient 2100 tonnes, contre 9500 tonnes pour le bâtiment-étalon en béton explique dans un article le New York Times. Dans un article de son blog, le célèbre Bureau d'Etudes Arup prend position en faveur de bâtiments de grande hauteur en bois et défend également une solution mixte bois-acier-béton jusqu'à 40 étages. Il ne reste plus qu'à transformer ces projets en réalisations.
Retrouver le premier volet de cet article des Cahiers techniques du bâtiment paru sur lemoniteur.fr
Construire IGH et tours en bois (1/2) : des réalisations ambitieuses
Six techniques pour construire en bois1. La plus ancienne des techniques connues en construction bois en hauteur est le colombage, apparu au début du Moyen-âge en Europe et poursuivi jusqu'au début du XXième siècle. Dans les villes d'Europe, il existe des bâtiments en colombage jusqu'au R+6, datant de plus de 10 siècles pour certains.
2. La seconde technique, très localisée, est l'empilement de bois massifs horizontaux. Elle n'est plus guère utilisée qu'au Canada jusqu'à R+5.
3. La troisième solution, la plus connue, est celle de l'ossature légère, conforme à la norme NF DRU 31.2 : des éléments verticaux et horizontaux de faible section, mais en grand nombre, assemblés par clous constituent l'ossature. Elle ne dépasse guère le R+2.
4. La quatrième technologie est la structure poteau-poutre constituant le squelette du bâtiment selon une trame de 2,5 à 5 m.
5. La cinquième technologie est celle du panneau structurel bois de grandes dimensions, pouvant aller jusqu'à 16,5 m de longueur et 2,95 m de hauteur, constitué de planches en bois massif, empilées en plusieurs couches croisées à 90° et collées entre elles sur toute leur surface.
6. La dernière technologie est l'association bois/béton : ossature en béton, pour l'inertie thermique, le confort d'été, l'affaiblissement acoustique et mur manteau non-porteur en structure bois pour habiller les façades et garantir une performance thermique élevée. L'ouvrage le plus complet sur les technologies disponibles aujourd'hui est celui de Josef Kolb : "Bois Systèmes Constructifs" (Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2010, disponible à la librairie du CNDB) en français.
Construire IGH et tours en bois (2/2) : quelles techniques pour dépasser R+10 ?
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