Construction Une reprise à plusieurs vitesses
Une reprise de l'activité devrait se confirmer vers la fin de l'année, tirée par le logement individuel, le collectif privé, les bâtiments industriels et l'entretien-réhabilitation. Les spécialités des travaux publics reprennent leur souffle, mais ont toujours du mal à percevoir une réelle embellie à l'horizon. Chez les industriels de la construction, la relance est plus nette dans les marchés orientés vers le second oeuvre. Le point sur la conjoncture et les perspectives en vingt- cinq familles, avec le témoignage de professionnels des divers secteurs.
GUILLAUME DELACROIX, JEAN-MICHEL GRADT, MICHEL OCTERNAUD
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GUILLAUME DELACROIX, JEAN-MICHEL GRADT, MICHEL OCTERNAUD
BATIMENT
Logement neuf
Fragile amélioration Globalement, les mises en chantier se sont améliorées depuis le début de l'année, essentiellement sous l'effet de la bonne tenue du marché privé. Le Bureau d'études par secteurs (BEPS), en résultats cumulés sur 12 mois, notait 265 812 unités commencées à fin juin, contre 262 905 unités à la fin de 1997. Mais la tendance des permis de construire est à la baisse. Au total, sur 1998, le BEPS prévoit une baisse de régime du logement à partir de la fin du troisième trimestre.
Logement collectif Le poids des difficultés du secteur aidé
L'érosion du marché s'explique, selon la FFB, en raison de la consommation difficile des PLA sur la première partie de l'année et de la prudence avec laquelle les promoteurs privés lancent de nouvelles opérations. En outre, de nombreuses incertitudes demeurent. Le collectif qui depuis le début de l'année stagne, pourrait piquer du nez au quatrième trimestre à 101 375 unités, sous l'effet de la dépression de la construction locative sociale.
Maison individuelle Une bonne surprise
Elle devrait sauver la construction neuve de logement cette année. Contrairement à ce que prévoyaient les experts, le marché maintient un bon rythme, du fait de la nette progression des offres de prêts à taux zéro sur le deuxième semestre de 1997, note la FFB. Les mises en chantier vont continuer à croître.
Non-résidentiel neuf Tiré par l'industrie et le commerce
Les mises en chantier et les autorisations de construire sont mieux orientées depuis quelques mois, avec deux moteurs : les bâtiments industriels et les locaux commerciaux de moyenne importance. Mais cette tendance pourrait se casser d'ici à la fin de l'année, les mises en chantier (hors les bâtiments agricoles) retombant fin 1998 à 18,08 millions de m2 (contre 18,7 millions au début de 1998) selon le BEPS.
Bureaux Un marché proche de la stabilité
Cette tendance, observée sur un marché à très bas niveau, perdure depuis le début de 1997 : selon le BEPS, les mises en chantier, qui étaient de 2,17 millions de m2 au premier trimestre de 1997 en résultats cumulés sur douze mois, devraient atteindre 1,96 million de m2 au quatrième trimestre 1998.
Bâtiments industriels Une croissance régulière
Les locaux d'activité ont renoué avec la croissance cette année, après un redressement de tendance vers la deuxième moitié de 1997. La DAEI prévoit une hausse des mises en chantier comprise entre 5,1 % et 8 % sur 1998 ; tandis que le BEPS voit les mises en chantier de locaux industriels atteindre 5,3 millions de m2 fin 1998 (contre 4,96 millions au début de l'année).
Bâtiments administratifs Décollage différé
Malgré des marges de manoeuvre plus importantes des collectivités locales, la construction non résidentielle publique n'a pas encore décollé. La plupart des bâtiments de l'Etat sont en baisse : atterrissage en douceur dans l'enseignement à 1,56 million de m2 mis en chantier en 1998, selon le BEPS ; 1,4 million de m2 dans la santé; stabilité des bâtiments liés à la Culture à 1,39 million de mètres carrés.
Commerces Un phénomène de rattrapage
Le marché est bien orienté pour les surfaces inférieures à 300 m2 (agrandissement de surfaces existantes, constructions avec dérogation...) : sur les quatre premiers mois de 1998, les autorisations de construire ont progressé de 37 %. En réalité, souligne la FFB, il s'agit plus d'un rattrapage, suite à l'attentisme qu'avait entraîné la mise en place de la loi Raffarin ; dans les prochains mois, la situation devrait donc se calmer. Le BEPS voit un pic atteint par les mises en chantier au troisième trimestre de 1998, à 1,9 million de m2, pour atteindre 1,86 million de m2 au quatrième trimestre.
Entretien-réabilitation logement Bonne orientation
La bonne consommation des crédits aidés, l'incidence des mesures fiscales en faveur des travaux des particuliers... soutiennent l'activité de ce marché : en volume, les travaux ont progressé de 1,4 % sur douze mois glissants. Selon la FFB, il est prévu une montée en régime.
Entretien-réabilitation non-résidentiel Un fort potentiel
Une faible croissance des travaux dans le privé est observée au premier trimestre (+ 1 %), par rapport au premier trimestre 1997, note la FFB ; de même qu'une poursuite de la reprise à un rythme modeste.
TRAVAUX PUBLICS
Routes Un redressement éphémère
L'époque des grands travaux routiers est révolue, et le secteur a touché le fond il y a un an. L'Union des syndicats de l'industrie routière française (Usirf) a enregistré depuis juin 1997 un bon regain d'activité, qui s'est poursuivi début 1998. Et si les fortes pluies d'avril ont stoppé l'allégement des carnets de commandes, ceux-ci laissent actuellement présager un exercice globalement équivalent à l'an passé.
Terrassement Un «creux» en vue
Les grands travaux sont en cours d'achèvement, des autoroutes A20 ou A75 jusqu'au TGV Méditerranée. Et selon le Syndicat des terrassiers, la profession connaîtra inévitablement un « blanc » d'ici à l'an 2000 ou 2001, dans la mesure où les TGV Est et Rhin-Rhône n'ont toujours pas bouclé leur financement. La contraction de l'activité est désormais certaine pour les mois qui viennent.
Génie civil Horizon bouché
Les constructeurs de tunnels et d'ouvrages d'art manifestaient déjà leur inquiétude l'an passé : aucun grand projet d'infrastructure ne se profile. Une tendance qui risque de se pérenniser, avec la livraison de grands chantiers en fin d'année.
Eau et assainissement Un secteur prometteur
Tout le monde le dit : l'eau et l'assainissement vont prendre de plus en plus d'importance. Parce que les besoins sont énormes, et parce que la population est de plus en plus exigeante en la matière. Les élus sont donc plus sensibles à la qualité des réseaux. Concernant l'eau potable, les Canalisateurs de France ont lancé une opération « diagnostic » qui devrait déboucher sur des travaux, étalés dans le temps. Pour l'eau usée, les réhabilitations se multiplient, et le marché des usines de traitement de taille moyenne se développe à grande vitesse. Enfin, l'international explose, avec des concessions dans le monde entier pour les opérateurs français.
Travaux électriques Des perspectives positives
Toutes activités confondues, le Serce a enregistré un premier trimestre assez soutenu, grâce notamment à un report du quatrième trimestre de 1997, qui était chargé. En revanche, en avril, et surtout en mai, la conjoncture s'est assombrie, avec une diminution importante du nombre de jours travaillés. L'activité relève toutefois la tête depuis le mois de juin. C'est le secteur industriel qui a le vent en poupe, suivi par le tertiaire, notamment en région parisienne, puis par les réseaux. Globalement, les carnets de commandes se renouvellent un peu moins bien actuellement, mais la profession escompte une croissance sur l'exercice 1998. En sachant cependant que le secteur de l'électricité ne dispose que d'une visibilité extrêmement courte.
Fondations-forages Toujours la déprime
Emportés par la chute des investissements, les entrepreneurs du secteur ont poursuivi la douloureuse concentration de leurs moyens. Et leur syndicat - le Soffons - reste pessimiste, même si des reprises sectorielles sont enregistrées, dans les bâtiments industriels ou administratifs par exemple. Enfin, pour beaucoup, c'est encore l'activité à l'international qui devrait permettre de limiter les dégâts.
Travaux ferroviaires Vive inquiétude
Après un premier semestre très mauvais (- 10 % pour l'activité liée à la commande SNCF), l'incertitude est grande pour le secteur. Le Syndicat des travaux de voies ferrées craint de voir les budgets 1998 transférés à l'allégement de la dette de RFF, alors que ces budgets - la maintenance et la régénération en particulier - sont légèrement supérieurs à ceux de 1997. En 1999, en revanche, le lancement des travaux de transports urbains et la pose des voies du TGV Méditerranée apporteront une bouffée d'oxygène... et l'arrêt des suppressions d'emplois.
Travaux maritimes et fluviaux Une stabilisation?
Grâce à des dégels budgétaires, 1997 avait marqué un coup d'arrêt à la baisse de l'activité. La hausse des crédits alloués à VNF ainsi que celle du budget de la mer laissent espérer un exercice 1998 stable. Et comme le souligne le syndicat Tramaf, les prochaines grandes opérations ne vont pas démarrer tout de suite : Le Havre-Port 2000 fin 1999 et le canal Seine-Nord en 2002.
INDUSTRIE
Granulats De médiocres perspectives
« A la fin du premier trimestre, nous étions à + 14 %. Deux mois plus tard, cela baisse à près de 5 % et les carnets de commandes sont en baisse, observe l'Unicem. Si reprise il y a, ce ne sera pas dans les matériaux de construction. » En effet, cette reprise risque d'être reportée à 1999 dans le bâtiment et les perspectives TP sont médiocres.
Béton prêt à l'emploi Faible reprise de la production
De janvier à mai 1998, la production a progressé faiblement (1,1 %). « Avec la fin des programmes TGV, les autoroutes qui traînent la patte et un secteur bâtiment qui ne repart pas vraiment, 1998 n'apparaît pas encore comme celle où la situation va se décanter », note le Syndicat national du béton prêt à l'emploi.
Ciment Une amélioration à confirmer
Des facteurs saisonniers (climat, nombre de jours ouvrés) expliquent les fortes variations du premier semestre (+ 25 % en janvier, - 13 % en avril) dont l'évolution positive s'applique à un niveau de tonnage qui demeure très médiocre : de juin 1997 à juin 1998, la progression n'aura été que de 2,1 %.
Equipements climatiques Bonne orientation
Le marché de la climatisation individuelle, fixe et mobile, a chuté de 10 % en 1997. Mais, en janvier et février 1998, la reprise, constatée fin 1997 dans le neuf (tertiaire notamment), s'est confirmée. « Avec de bons résultats, à un niveau identique à celui du marché de 1995 », note le GIE Climatisation et Développement. La prévision 1998 devrait être bonne si les ventes de mai à juillet (soit 40 % des ventes de climatiseurs individuels) confirment cette tendance.
Matériels de TP Relance des investissements
« De mai 1997 à mai 1998, le secteur a enregistré entre 25 % et 30 % de hausse de la production. Mais, nuance Georges Pelloux, le secrétaire général du MTPS, ces résultats sont faux, car le premier trimestre de 1997 fut le plus mauvais enregistré en plusieurs décennies. La réalité se situe donc plutôt entre + 10 % et + 15 %. Et autour de + 10 % sur l'année. » Ce sont les grues mobiles, les mini-pelles et les pelles qui se portent le mieux, avec une embellie, en mai, pour les bouteurs. Au total sur 1998, la progression des ventes devrait atteindre 10 %.
Négoce Satisfaction
« La conjoncture, à fin juin, est satisfaisante, on vise +7% en 1998 », constate Bernard Targe, le délégué général de la Fédération française du négoce de matériaux de construction. Reflétant la reprise constatée par une majorité des entrepreneurs du bâtiment, elle varie géographiquement de + 0,6 % dans les Deux-Sèvres à + 10,3 % en Vendée.
Alain Petit P-DG de Quillery (Eiffage)« Un problème : les prix » « Le marché du bâtiment a cessé de se dégrader et, cette année, nous enregistrerons globalement une progression de notre chiffre d'affaires bâtiment d'environ 3 % par rapport à 1997. Cette conjoncture est tirée par les logements neufs privés à financement Périssol. Dans le non-résidentiel, la situation est également meilleure, mais le niveau des prix constitue un blocage . »
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Jean-Paul Bertheau coprésident de Meunier Promotion« Les enchères foncières montent » « Le logement marche bien sous l'effet conjugué de taux d'intérêt bas, de prix qui sont restés raisonnables et du Périssol. En revanche, je suis très inquiet en ce qui concerne le financement des opérations, car les enchères foncières montent. En période de reprise - et c'est une constante -, les tensions sur le prix du foncier proviennent notamment des collectivités publiques dans le cadre d'appels d'offres. Or, les acquéreurs ne sont, semble-t-il, pas prêts à accepter un renchérissement du prix des appartements. Ce problème, ajouté aux incertitudes concernant les mesures fiscales qui seront prises, font que nous restons prudents dans le lancement de nouvelles opérations résidentielles. Côté bureaux, le marché remue beaucoup dans les meilleurs sites de la région parisienne : il va se passer des choses. L'été nous en apprendra plus... »
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François Payelle Chambre syndicale des crédits immobiliers« Situation fragile » « Il s'agit plus d'une consolidation des marchés que d'une reprise. Pour la maison individuelle, le premier trimestre confirme l'amélioration observée en 1996 et 1997. Dans la promotion immobilière, 1998 est en phase avec 1997. Mais la situation des ménages reste fragile. L'amortissement Périssol a pesé en 1997 sur le marché de la promotion et toute la profession s'inquiète. »
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Jean Monville P-DG de Spie« Grâce à l'export » « Notre marché domestique ne peut plus être limité à l'Hexagone. Nous raisonnons désormais à l'échelle de l'Europe et l'export constitue un axe de développement important. Nous fondons de grands espoirs sur les transports et l'énergie, avec le démarrage prochain de projets de métro et de lignes de chemin de fer, en Amérique latine et en Asie. Et dans les métiers traditionnels des TP, c'est encore la diversification géographique qui nous sauve, dans les fondations spéciales comme dans le génie civil. »
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Bruno Tabarié P-DG de SCR Beugnet (Eiffage)« Prudence » « La reprise n'est pas euphorique, et il convient de rester prudent, car nos marchés présentent des perspectives de court terme. Nous sommes aujourd'hui à mi-mandat des collectivités, ce qui est favorable pour nous, après la chute des investissements à la suite des municipales. Nous observons par ailleurs un redémarrage du privé, et notamment de l'industrie. Le volume moyen des affaires décroît, et l'activité s'oriente vers l'entretien et l'amélioration des centres villes. »
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Pierre Parisot P-DG de OTV (Générale des eaux)« Besoins énormes » « Dans l'eau, les besoins sont énormes, même dans l'Hexagone, et pourtant le marché reste plat. Et le régulateur de ce marché n'est pas la norme, mais la facture d'eau. S'il n'y a pas de risque de chute, il n'y a pas pour autant de reprise. Les grosses opérations à venir concernent la dépollution et un peu le génie civil : la part qu'il occupe dans le traitement de l'eau est en augmentation relative. Le chiffre d'affaires en France devrait être étal en 1998, à cause du retard de 9 à 12 mois pris par la commande des collectivités. »
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Pascal Janot Directeur chez Saunier Duval« Le neuf compense le diffus » « Nous ne ressentons pas la reprise d'un point de vue commercial. L'an dernier, la production a augmenté de 2,9 % dans les chaudières et de 0,8 %, depuis le début de l'année, pour les chauffe-bains. Quant au chiffre d'affaires, il a baissé de 17 %. Globalement, la bonne tenue du marché du neuf compense l'effondrement du marché du diffus. »
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Jean-Marie Batistella Directeur chez SGB-Comabi« Contrastes » « Il y a un développement assez fort de la location dans le matériel de second oeuvre, il est un peu moins important dans celui de la vente. Le chiffre d'affaires échafaudages et auto-élévation est en progression de 14 %. En revanche, il stagne. »
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