Concession RCEA : Elisabeth Borne accusée d’être en situation de conflit d’intérêts
En plein remaniement ministériel, la ministre des Transports se voit soupçonnée de conflit d’intérêts dans un article du journal Le Monde. En cause : l’attribution prochaine d’un marché de concession, celui de la route Centre Europe Atlantique (RCEA), dite « route de la mort ». Le problème ? L’un des cinq candidats est un ancien employeur de la ministre.
Jessica Ibelaïdene
C’est le « scud » que le secteur des infrastructures n’attendait pas. Même si le remaniement gouvernemental pourrait être large, l'hypothèse du remplacement de l’une de ses principales interlocutrices, la ministre des Transports Elisabeth Borne, n’effleure pas les esprits.
Mais les acteurs de la construction routière, réunis à Lille ces 10 et 11 octobre pour le congrès de l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Idrrim), se sont interrogés lors de l’ouverture. La raison : une petite phrase de François Poupard, à la tête de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM).
Celui-ci a en effet tenu à excuser l'absence de la ministre, qui devait conclure les travaux et a finalement choisi d'adresser un message vidéo à l'assemblée. « Cela l’ennuyait beaucoup de ne pas être présente. Mais, vous le savez, il y a un peu de flottement dans l’actualité gouvernementale. Elle ne sera peut-être plus ministre demain. Nous n’en savons rien, même si j’espère qu’elle le sera toujours », a indiqué François Poupard.
Ex-Eiffage Concessions
Surprise dans l’assistance ! Laquelle ne comprend pas cette allusion ou, au mieux, la prend pour une blague. Puis, dans la journée du 10 octobre, le journal Le Monde a apporté ce qui pourrait être une explication, en publiant un article intitulé « la ministre des Transports, Elisabeth Borne, face à des accusations de conflit d’intérêts ».
De quoi parle-t-on ? D’ici quelques semaines, la ministre doit valider l’attribution d’un marché de concession, portant sur une portion de la route nationale 79, dans l’Allier. Connue sous le nom de route Centre Europe Atlantique (RCEA) ou « route de la mort », elle doit subir d’importants travaux pour assurer, notamment, une plus grande sécurité. Dans l’Allier, la portion de 90 km deviendra une autoroute à péage, gérée par une société privée qui assumera les chantiers à réaliser à partir de 2019, estimés à 600 M€.
Cinq groupements en lice
Cinq groupements ont répondu à l’appel d’offres. Et parmi eux, le groupe Eiffage, déjà très présent en tant que gestionnaire d’autoroutes dans cette partie de l’Hexagone.
Problème, souligne l’article du Monde : la ministre des Transports, qui validera le nom du vainqueur, a travaillé chez Eiffage Concessions entre 2007 et 2008. « On est dans la définition du conflit d’intérêts, estime un spécialiste dans les colonnes du Monde. Dans un cas pareil, la ministre devrait se déporter. »
Une ministre appréciée par le secteur
Ces accusations portées à quelques heures d’un remaniement gouvernemental sont-elles en mesure de fragiliser la ministre des Transports ? Dans tous les cas, il existe de fortes chances pour semer le doute dans l’opinion publique. Ce que regrettent tous les professionnels croisés dans les allées du congrès de l’Idrrim.
« Il faut arrêter la chasse aux sorcières, nous explique l’un d’eux. C’est juste pour vendre du papier. C’est inadmissible. » Un autre soupçonne même un concurrent sur le dossier d’être à l’origine de l’accusation et de la fuite. La plupart des personnes interrogées par Le Moniteur s'insurgent contre ce « mauvais procès», d'autant que son passage chez Eiffage est lointain et court. Par ailleurs, le dossier de concession d’une portion de la RCEA n’existait pas lorsqu’elle travaillait au sein de la major, tient à rappeler le ministère des Transports.
Dialogue et confiance
La remplacer est inimaginable pour eux. Surtout pas à quelques semaines de la présentation en conseil des ministres de la loi d’orientation sur les mobilités. « Le message serait destructeur », peut-on entendre. Les relations entre les professionnels des infrastructures et Elisabeth Borne sont bonnes. Même si toutes les décisions ne sont pas idéales pour le secteur, elle a su instaurer un vrai dialogue et une vraie confiance avec les représentants des travaux publics comme avec les élus locaux.
D’autre part, s’il fallait la remplacer, qui pourrait lui succéder ? « Si c’est pour nous mettre un incapable dans les pattes, ce n’est pas la peine. » Car Elisabeth Borne a l’avantage d’être « une bonne technicienne, qui connaît ses sujets ». La raison : un CV bien fourni.
Une professionnelle reconnue
Diplômée de Polytechnique, de l’Ecole des ponts et chaussées et du Collège d’ingénieurs, elle est passée au cours de sa carrière par le ministère de l’Equipement, la direction régionale de l’équipement d’Ile-de-France, le ministère de l’Ecologie auprès de Ségolène Royal, la direction générale de l’urbanisme de la mairie de Paris…
Mais elle a aussi exercé d’importantes responsabilités dans des entreprises comme la SNCF, Eiffage Concessions donc, et plus récemment la RATP. Ce qui lui permet d’avoir une vision globale des infrastructures de transports, et une vraie expertise sur ces sujets. Au-delà, elle représente l’un des visages de la société civile au sein du gouvernement actuel. C’était justement la volonté du président de la République : faire profiter l’exécutif de l’expertise de ce genre de profil.
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