Comment la centrale nucléaire de Fessenheim sera démantelée
Avec la fermeture de la centrale alsacienne, un long et délicat processus débute pour pouvoir déconstruire cette installation nucléaire française. Si ce chantier va prendre plusieurs années, les étapes sont détaillées dans le plan de démantèlement préparé par EDF.
Emmanuelle Picaud
La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) sera définitivement arrêtée pendant la nuit du 29 au 30 juin 2020. Son long et délicat démantèlement va donc à présent pouvoir débuter. "Le Moniteur" détaille les principaux enjeux de cette opération à fort enjeu technique.
Les travaux vont-ils pouvoir débuter dès l’arrêt de la centrale ?
Pas tout à fait. Démanteler une centrale est un processus long. En réalité, le démantèlement se déroulera en deux phases. La première, dite de « préparation au démantèlement » (PDEM), consiste à aménager le bâtiment nucléaire avant de pouvoir le démanteler. Elle va s’étaler sur cinq ans.
Pendant cette phase préliminaire, les opérateurs vont évacuer les combustibles usés et neufs, les déchets et leurs effluents, mais aussi vidanger et décontaminer les circuits de la centrale. Les accès et les zones de circulation au chantier vont être organisés, la ventilation adaptée et certains matériels évacués afin de libérer de la place. Cette phase préparatoire permettra également d’affiner la connaissance de l’installation. Elle doit permettre d’inventorier les matières dangereuses, de repérer un éventuel risque d’amiante, et de faire des prélèvements pour des analyses radiologiques.
À l’issue de ces opérations, à l’horizon 2025, l’installation sera décrétée « dans son état initial de démantèlement ». A partir de ce moment, il sera possible d’intervenir sur la structure des bâtiments. Toutefois, EDF devra attendre la publication officielle du décret autorisant le démantèlement de la centrale pour intervenir. Des dossiers réglementaires ont déjà été instruits en vue de l’obtention de ce décret, en particulier auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Leur instruction devrait prendre encore entre deux à cinq années.
Une fois les travaux lancés, quelles étapes vont se succéder ?
La déconstruction puis la démolition du bâtiment nucléaire sont prévues en plusieurs étapes.
Les équipements de la centrale vont d’abord être déposés, puis découpés avant d’être conditionnés en déchets et valorisés lorsque cela reste possible. Les opérations de démontage et de découpe seront menées avec un ensemble de techniques mécaniques ou thermiques, en air ou sous eau, au contact ou bien à distance, par télé-opération. Ces techniques seront déterminées en fonction du niveau de radioactivité des composants. Des ateliers dédiés seront mis en place pour le conditionnement de certains déchets et des équipements là aussi spécialement dédiés seront utilisés pour les manutentionner. A l’issue de cette phase, il ne restera que le génie civil et les éléments de structure du bâtiment, ainsi que les matériels nécessaires au déroulement des travaux d’assainissement.
La seconde étape du démantèlement consiste à assainir la structure des bâtiments de la centrale, c’est-à-dire à éliminer la contamination déposée à l’intérieur des bâtiments, à la suite de quoi la centrale pourra être démolie. A ce moment-là, tous les bâtiments seront détruits jusqu’à une profondeur d’un mètre au-dessous du niveau du sol. Les cavités seront comblées avec un remblai constitué des gravats issus de la démolition.
Au niveau de l’ensemble du site, les étapes se chevaucheront car tous les bâtiments ne seront pas démantelés en même temps. Certains connaîtront des niveaux d'avancement plus importants que d'autres. La durée totale prévue pour le démantèlement est de l'ordre de 15 ans, depuis l’entrée en vigueur du décret jusqu'à la fin des travaux.
Comment les déchets nucléaires vont-ils être gérés ?
Il est prévu que le démantèlement de la centrale de Fessenheim génère environ 380 000 t de déchets, dont 94% de déchets conventionnels. Les déchets conventionnels (béton et métaux) seront gérés en privilégiant leur valorisation. Les déchets radioactifs seront triés, traités et conditionnés avant d’être transportés vers des centres d’entreposage ou de stockage adaptés à leur nature.
Le schéma ci-dessous synthétise les proportions des masses de déchets issus du démantèlement et précise la destination finale des déchets, le sigle « TFA » regroupe les déchets de très faible activité (déchets technologiques, certains matériels du bâtiment réacteur, bétons issus de l'assainissement des structures, tuyauteries, câbles, matériels électriques). Le sigle « FMA-CV » regroupe les déchets de très faible activité à vie courte (couvercles de cuve, les puits de cuve en béton, certains éléments du circuit primaire principal ou de la cuve). Le sigle MA-VL regroupe les déchets de moyenne activité à vie longue (parties des internes supérieurs et inférieurs contenus dans la cuve des réacteurs, ainsi que les déchets d’exploitation de type grappe de commande) :
Existe-t-il des précédents de démantèlement de centrales nucléaires ?
Oui. La durée du démantèlement de la centrale de Fessenheim a été estimée en tenant compte du retour d’expérience du démantèlement de la centrale de Chooz A (Ardennes), qui utilisait la même technologie que celle de Fessenheim, c’est-à-dire celle des centrales à eau pressurisée (REP), mais pour une puissance plus faible.
Les scénarios prévus pour les différentes étapes ont été définis en utilisant un retour d’expérience issu à la fois de Chooz A et des chantiers menés sur le parc de centrales en exploitation par EDF, en particulier lors du démontage de gros équipements pour remplacement (générateurs de vapeur, tronçons de tuyauterie, pompes, etc.). Les scénarios établis ont également fait l’objet de revues avec des spécialistes internationaux ayant déjà conduit des démantèlements de centrales de type REP, a également fait savoir EDF.
Le site du chantier de la centrale de Fessenheim
Le site de Fessenheim s’étend sur une superficie d’environ 73 ha. Il comporte quelques bâtiments à caractère nucléaire et d’autres bâtiments non nucléaires, dits « conventionnels ».
La partie nucléaire comprend un bâtiment réacteur (BR), où la chaleur produite par la réaction nucléaire transforme l’eau en vapeur. Un second bâtiment dit « combustible » (BK) permet d’entreposer les combustibles avant leur évacuation du site. D’autres bâtiments existent dans cette zone, dont des bâtiments auxiliaires qui assurent la liaison avec les autres bâtiments et qui abritent des matériels de sauvegarde.
La partie non nucléaire comprend quant à elle un bâtiment ou salle des machines, où la vapeur produite par le bâtiment réacteur est transformée en électricité. Sur cette zone sont également répartis des bâtiments industriels et tertiaires : station de pompage, bâtiments d’entreposage des générateurs de vapeur usés, alimentation en eau de secours, plates-formes d'évacuation de l'énergie électrique, bâtiment d'entretien de site, magasin général, etc.
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