Collège de Villemandeur : "Le contrat de partenariat doit rester une procédure dérogatoire"
CHESSA Milena
Jean Briffon, délégué général du Syndicat national du second oeuvre (SNSO), fait le point sur le jugement du Tribunal d'Orléans daté du 29 avril 2008, annulant la délibération par lequel l'exécutif du Conseil général du Loiret a signé le contrat de partenariat relatif à la construction du collège de Villemandeur.
Le motif est clair : la condition d'urgence telle que définie par le Conseil constitutionnel n'était pas remplie en l'espèce.
Que pensez-vous de l'opportunité du SNSO d'"ester" en justice?
Le SNSO se réjouit d’abord que sa qualité pour agir lui soit reconnue, non seulement à l’égard des textes de portée générale mais aussi concernant des opérations particulières.
L'essentiel des PME exécutent en effet des marchés de proximité. Elles entretiennent avec les communes, les départements et les régions des relations permanentes, commercialement peu compatibles avec l'usage du contentieux. Ce handicap est levé avec le droit reconnu à leur syndicat de défendre l’intérêt collectif de ses membres sur un marché ponctuel auquel ils ont vocation de postuler.
Cette qualité pour agir prend toute son importance non seulement à l'égard des contrats de partenariat mais aussi pour faire respecter la règle de l’allotissement posée par l’article 10 du Code des marchés publics. A ce sujet, relevons avec intérêt que le tribunal administratif de Lyon vient d’annuler, à notre connaissance pour la première fois, la passation d’un marché dont le caractère global n’était pas justifié, en l’espèce un contrat multiservice et facility management .
Le SNSO ne souhaite pas pour autant terroriser les acheteurs par un usage intempestif du contentieux. L'important, c'est le respect des grands principes de l’achat public, en particulier ceux de l'égalité et de la liberté d'accès à la commande publique. Leur mise en oeuvre est avant tout une affaire de dialogue, de pédagogie et de diffusion des bonnes pratiques. Le SNSO s'y emploie notamment au sein de l'observatoire économique de l'achat public. A l'image et par symétrie avec la mission d'appui aux partenariats public-privé (MAPPP), il demande néanmoins la mise en place d'une mission d'appui à l'allotissement qui apporterait aux maîtres d’ouvrage assistance et sécurité dans ce domaine.
Que pensez vous de la décision sur le fond?
Elle est la stricte application des réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel. Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans rappelle tout simplement que le contrat de partenariat n’est pas une procédure de droit commun mais bien une procédure d’exception dont l’utilisation nécessite soit un motif d’urgence, soit de complexité. Or, quoi de plus commun que la construction d'un collège? Le juge en a naturellement déduit que les vicissitudes rencontrées par le pouvoir adjudicateur, tenant à notre avis à ses propres carences, ne justifiaient pas de déroger à ce droit commun.
Quelle interprétation doit-on donner à la notion d'urgence?
On connaissait en droit des marchés publics deux types d'urgences: l'une simple, l'autre dite "impérieuse". Son sens au regard des contrats de partenariat pose question aux commentateurs. Le Conseil constitutionnel a précisé qu’il s’agit d'une urgence objective et préjudiciable. Si ce n’est pas nécessairement l’urgence impérieuse, elle en est forcément très proche par la situation de particulière gravité à laquelle elle est associée.
Quelles sont les suites à donner à cette affaire?
L’objectif du SNSO n’était naturellement pas de s’en prendre à la réalisation d’un collège. Nous attendions une décision de principe qui vienne confirmer que les partenariats public-privé (PPP) constituent bien des contrats dérogatoires au droit commun dont l’utilisation doit être strictement encadrée. Elle nous satisfait pleinement. Il appartient à présent au Conseil général du Loiret d’en tirer les conséquences. Si tel est le cas, le SNSO ne versera pas dans l’acharnement juridique.
Y a t'il des améliorations à apporter au projet de loi?
Ce projet de loi n’est pas le bienvenu. Sa seule amélioration ne pourra résulter que de la suppression dans son article 2, des deux nouveaux motifs de recours déviants, celui du bilan supposé "globalement positif" et celui des équipements réputés urgents par principe. Ils ouvrent la voie à une généralisation des PPP avec son inacceptable cortège de dommages collatéraux : fuite budgétaire, abandon des prérogatives publiques, atteinte à la libre concurrence et surtout exclusion des PME d’accès à la commande publique. Ces éléments qui avaient amené le Conseil constitutionnel à poser des réserves d’interprétation quant à l’utilisation des PPP n’ont rien perdu de leur actualité. Le jugement du Tribunal administratif d’Orléans, qui découle directement de la décision du Juge constitutionnel de 2003 le rappelle. Nous espérons que les parlementaires s’en souviendront. Les PPP sont et doivent rester une procédure de stricte exception.
Propos recueillis par Christian Figali
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