Claude Bartolone : "Le carré magique : environnement, développement économique, mixité sociale et égalité des chances"
Pouthier Adrien
L’ancien ministre de la Ville de Lionel Jospin, Claude Bartolone, à la tête du conseil général de Seine-Saint-Denis depuis mars, s’exprime dans Le Moniteur de cette semaine sur les grands dossiers de son département. Grandes lignes.
Sur les transports
"Tout commence par les transports. Je suis heureux de constater que près de 50% des dépenses prévues en matière de transports sur la région Ile-de-France vont concerner la Seine-Saint-Denis. Cela va nous permettre de rattraper un retard qui était énorme. Dans la première phase industrielle, les entreprises s’occupant de déplacer leurs salariés entre le lieu de production et le lieu de reconstitution de la force du travail, la question du transport n’avait pas été une préoccupation majeure. Quand Citroën allait chercher dans les grandes cités populaires ses salariés pour les amener à l’usine, tout allait bien. Aujourd’hui, c’est différent. Il nous faut réussir ce pari, notamment en ce qui concerne les déplacements de banlieue/banlieue, de rendre attractifs un certain nombre de territoires où nous avons de la disponibilité foncière. Des entreprises se diront alors: si je viens là, j’aurai à la fois du terrain, la possibilité de voir construire des logements pour mes salariés. Ils pourront sans difficulté se déplacer d’un lieu de production à un lieu de culture, d’un lieu de culture à un lieu de consommation sans que cela entraîne des durées de transport inimaginables dans une période de crise énergétique."
Sur l’environnement
"Je veux utiliser la question de l’environnement comme le préalable à toute politique départementale et en particulier en matière d’aménagement. Je veux donc mettre en place un agenda 21 départemental. Cette nouvelle démarche intellectuelle dira : "plus aucun acte ne doit être pensé sans intégrer la question environnementale". En associant préoccupation écologique et économique, je veux que la Seine-Saint-Denis mise sur un nouvel écodéveloppement. Nous aurons ainsi à cœur d’agir dans chaque politique départementale dans le respect des habitants, sur des questions essentielles comme celle de la durée des déplacements, des nuisances sonores, etc...La Seine-Saint-Denis doit parier sur son carré magique : l’environnement, le développement économique, la mixité sociale et l’égalité des chances. Equilibrer ce carré, c’est empêcher qu’un postulat négatif ne s’installe dans la tête des habitants : "l’essor de notre département ne profite qu’aux nouveaux arrivants alors que ceux qui sont là depuis longtemps regardent passer les trains".
Sur le rôle du Département
"Définir une vision stratégique et créer des synergies entre les villes. Chaque ville conçoit aujourd’hui son projet d’aménagement. Même si chaque projet est équilibré, en termes de mixité sociale, ou d’activités économiques, il est essentiel de mettre les réflexions en commun si l’on veut aller vers un développement harmonieux des territoires."
Sur le logement
"Nous sommes l'un des départements les plus concernés par l’habitat indigne : il faut en finir avec ces logements qui, à un quart d’heure de Paris, n’ont pas l’eau courante ! (...)Nous devons réfléchir à un dispositif performant, qui intègre pleinement la forte dimension sociale de la lutte contre l’habitat indigne, et qui maîtrise les étapes techniques, financières et administratives spécifiques du sujet.
La requalification des grands quartiers monofonctionnels conçus dans les années 60 et 70 constitue le deuxième chantier prioritaire. Nous constatons un décalage financier considérable entre le moment où les grands projets urbains sont conçus et le moment où ils sont réellement mis en oeuvre. (...)On demande aux élus de réaliser les projets aujourd’hui, sur la base des estimations financières d’il y a cinq ans...L’augmentation du coût de la construction, le boom des prix des matériaux ont occasionné des dépassements qui s’élèvent parfois à plus de 30%, et bloquent le démarrage des travaux attendus avec impatience par les populations qui vivent dans ces lieux de relégation. L’Etat et l’ANRU doivent prendre la mesure de l’urgence et de l’exaspération des habitants.
Il nous faut cibler notre intervention sur des champs prioritaires. (…) Je souhaite mettre l’accent en priorité sur le logement des jeunes : le premier logement d’un jeune qui souhaite quitter son milieu familial, ou celui d’un jeune couple, constitue la première étape d’un parcours résidentiel choisi.
Enfin, pour ce qui concerne ce que j’appellerais le processus de réparation, je souhaite donner une chance à l’idée de mixité sociale. (...) Nous devons insister auprès des collectivités qui n’ont pas atteint les 20% de logements sociaux, pour qu’elles en produisent, en attendant que l’Etat prenne ses responsabilités dans ce domaine ; nous devons également plaider pour la mixité sociale auprès des communes qui présentent un pourcentage très élevé de logements sociaux, afin qu’elles diversifient leur offre de logements. Il faut en cesser avec la relégation des populations et poser la question du choix, ce qu’on appelle le parcours résidentiel."
Propos recueillis par François Perrier et Nathalie Moutarde
Retrouvez l'interview de Claude Bartolone dans Le Moniteur n°5469 du 19 septembre et en intégralité dans notre rubrique complément web réservée aux abonnées.