Catastrophes naturelles : le projet de réforme renforce la prévention
Un projet de loi portant réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles a été déposé sur le bureau du Sénat début avril. Ce texte, qui ne sera débattu que si le futur gouvernement le souhaite, précise le périmètre de ce régime et son articulation avec l'assurance construction pour la prise en charge des risques liés à la sécheresse. Il renforce également les incitations à la prévention. Point de vue de Lara Le Peru, associée du cabinet Chevreuse Courtage spécialisé dans l’assurance construction, sur les forces et faiblesses du projet.
Lara Le Peru, associée du cabinet Chevreuse Courtage
\ 10h37
Lara Le Peru, associée du cabinet Chevreuse Courtage
Une meilleure prévention des risques
Premier point intéressant à noter : le projet de loi consacre une sous-section 2 à la « prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». L’article L 112-20 nouveau du Code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoit une carte avec un dispositif de zonage établi par voie réglementaire. La cartographie des zones à risques et son accès à tous est une bonne mesure par principe.
Systématisation de l’étude de sol sur terrain argileux
L’article L 112-21 nouveau du CCH institutionnalise et systématise la réalisation d’une étude de sol par le vendeur en cas de zone sensible au retrait gonflement des argiles lorsqu’il vend un terrain non bâti constructible. Et l’article L 112-22 prévoit l’obligation pour le maître d’ouvrage (donc l’ex acquéreur du terrain) de fournir avant toute conclusion de marché de travaux la fameuse étude de sol édictée par l’article L 112-21, aux entrepreneurs et maîtres d’œuvre.
Nous nous réjouissons de voir dans le projet l’article L 112-21 disposant « qu’en cas de vente d’un terrain non bâti constructible, une étude de sol est fournie par le vendeur ». Si le projet de loi est validé, cette nouvelle disposition acterait le fait que les caractéristiques du sol deviennent un vrai argument de vente, un document opposable. Le texte déposé au Sénat propose en effet que « cette étude de sol soit annexée à la promesse de vente ou à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente ».
Sécurisation de l’acquéreur de maison individuelle
Selon Chevreuse Courtage, ce projet de loi s’inscrit dans la philosophie et la droite ligne de la Loi Spinetta (1) du 4 janvier 1978 et de la loi relative au contrat de construction d’une maison individuelle du 19 décembre 1990. C’est une bonne façon d’éclairer et de sécuriser l’acquéreur de maison individuelle. En ce sens, nous notons un vrai progrès. En rendant obligatoire la réalisation d’étude de sol pour toute construction, y compris les maisons individuelles, ce texte, s’il était adopté, clarifierait un point qui faisait défaut jusqu’à présent mais aussi et surtout permettrait de maîtriser les risques de sinistres. Il précise par ailleurs que la fiche d’identité terrain est à la charge du vendeur du terrain non bâti constructible.
Etude de sol préliminaire et étude d’adaptation des modes constructifs
Une remarque toutefois : il faudra définir la nature de la mission d’étude de sol (les missions des géotechniciens ont déjà une nomenclature). Nous proposons : une étude préliminaire dans un premier temps avant la vente du terrain ; et une étude plus précise préalable à la mise en chantier visant l’adaptation entre le principe constructif et les caractéristiques du sol indiqués dans la première étude (confirmation de sa constructibilité et des moyens à mettre en œuvre). Il importe que cette étude préalable soit réalisée par un géotechnicien assuré pour sa mission et non par l’entreprise de BTP qui réalisera les travaux de construction ensuite (cf. : le cas type du constructeur de maison individuelle).
Notons enfin que selon le projet de loi, l’étude de sol ne serait rendue obligatoire qu’en cas de construction ou de vente de terrain dans une zone sujette au retrait gonflement des argiles. Pourquoi ne pas élargir le spectre à tout le territoire pour chaque vente de terrain à bâtir ?
La liste des phénomènes naturels : une fausse bonne idée
Dans le projet de loi, l’article L. 125-1 4è alinéa (nouveau) du Code des assurances prévoit une liste de phénomènes naturels éligibles au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Le cabinet Chevreuse Courtage attire l’attention sur le fait qu’il faut se méfier de l’apparence simplificatrice d’une liste de phénomènes inscrite dans une loi, par définition exhaustive et fermée. Une liste indicative (illustrative, peut-être), en référence à la jurisprudence issue des arrêtés interministériels de catastrophes naturelles, serait préférable.
Une liste exhaustive est dangereuse car elle peut créer des trous de garantie, lorsqu’un phénomène naturel intervient ne correspondant pas exactement à la définition donnée dans la liste. Le dommage ne sera pas indemnisé, alors que l’arrêté interministériel l’aurait peut être accepté comme un phénomène naturel éligible au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. D’autre part le sort de la victime relèvera des tribunaux et des débats entre experts sur la qualification du phénomène - pour autant qu’elle en ait les moyens financiers et le temps. Or, lorsqu’un tel évènement survient, le devoir de solidarité impose le principe de l’effectivité de la prise en charge plutôt que celui de l’éventualité de la conformité du phénomène à la norme.
(1) La loi du 4 janvier 1978, dite loi « Spinetta », a instauré des obligations en matière d'assurance construction aussi bien pour le constructeur, que pour le particulier.
Pour consulter le projet de loi portant réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, cliquez ici
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