Bureaux de contrôle et missions de conception font mauvais ménage
La profession de contrôleur technique est incompatible avec les activités de conception et de réalisation, énonce un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 10 avril. A la satisfaction de la Chambre de l’ingénierie et du conseil de France (CICF) qui livre bataille sur le sujet depuis plusieurs années.
Sophie d’Auzon
La Chambre de l’ingénierie et du conseil de France (CICF) se réjouit dans un communiqué d’une « victoire des bureaux d’études techniques contre les bureaux de contrôle ». En effet, la cour administrative d’appel de Bordeaux vient de confirmer l’annulation d’un marché portant sur une mission d’étude de pré-diagnostic énergétique du patrimoine bâti des lycées de Lot-et-Garonne, attribué à un groupement comportant un bureau de contrôle. Elle confirme ainsi l’interprétation stricte, déjà faite par le Conseil d’Etat en 2010 (1), des dispositions du Code de la construction et de l’habitation (article L. 111-25) qui énoncent l’incompatibilité de l’activité de contrôle technique avec « l’exercice de toute activité de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage. »
Elaboration de préconisations techniques
En défense, le maître d’ouvrage public a tenté de faire valoir que cette incompatibilité ne s’appliquerait pas à l’activité de diagnostic technique. Mais la cour administrative d’appel relève que le marché litigieux n’avait pas pour objet le seul pré-diagnostic énergétique des ouvrages existants mais aussi « l’élaboration de préconisations techniques ». Cette mission de formulation de solutions techniques est susceptible, estiment les juges, de faire naître, à terme, un éventuel conflit d’intérêt prohibé par le Code de la construction et de l’habitation.
Qui plus est, la cour balaye l’argument selon lequel le bureau de contrôle « n’interviendrait pas dans l’élaboration des préconisations techniques dès lors que cette mission reviendrait exclusivement à l’autre membre du groupement ». Cela n’est pas de nature à lever l’incompatibilité, souligne l’arrêt.
Sensibilisation des acheteurs publics
La CICF indique avoir « lancé une vaste campagne de sensibilisation : courriers, rendez-vous avec les associations d’acheteurs, réunions de travail avec les services des ministères », notamment pour informer les maîtres d’ouvrage « parfois ignorants de la problématique ». Plusieurs actions en justice sont en cours contre des attributions de marchés regardées comme litigieuses par la CICF et ses adhérents, et l’affaire ainsi tranchée par la cour de Bordeaux le 10 avril (sous réserve d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat) est la première à aboutir. Les procédures étant longues et fastidieuses, la fédération espère obtenir une réécriture des dispositions légales énonçant l’incompatibilité des missions. Reste à savoir quelle sera l’attitude des bureaux de contrôle qui ne devraient pas rester sans réaction à l’énoncé de cet arrêt.
(1) Conseil d'Etat , 18 juin 2010, « Ministre d’Etat , ministre de la Justice c/Bureau Veritas », n° 336418.
Pour lire la décision CAA de Bordeaux, 10 avril 2012, n° 11BX01482, cliquez ici .
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