Bois local : démonstration dans les Vosges du Nord
Preuschdorf n’a plus de pétrole, mais regorge de bois et d’idées : sur la friche alsacienne qui garde l’empreinte de la plus ancienne exploitation pétrolière française, la ressource locale, majoritairement composée de feuillus, comblera une dent creuse.
Laurent Miguet, bureau de Strasbourg
A l’issue d’une course d’obstacles juridiques et techniques, les deux premiers immeubles de l’opération Bat’Innovant commenceront à sortir de terre en septembre à Preuschdorf (Bas-Rhin). Lauréat du concours d’idées fin 2012, Studio 1984 a transformé l’essai : à l’issue d’une consultation de maîtrise d’œuvre, la communauté de communes Sauer-Pechelbronn, accompagnée par le parc naturel régional des Vosges du Nord et soutenue par l’Etat dans le cadre d’un pôle d’excellence rurale, a confirmé l’agence d’architecture parisienne. Le mandataire associe Ingénierie Bois (bureau d’études structure), Terranergie (fluides) et Plebiscit (économie, pilotage).
Marchés publics : trois lots atypiques
Pour tenir l’objectif d’une mobilisation de la ressource et des savoir-faire locaux, l’assistance de l’institut technologique Forêt, cellulose, construction-bois ameublement (FCBA) et du Centre régional d’innovation et de transfert de technologie bois (Critt Bois) d’Epinal s’est révélée déterminante, en plus des conseils de la fédération nationale des communes forestières. La mise en compatibilité de la démarche avec le code des marchés publics a conduit la communauté de communes à soumettre à la concurrence trois lots inhabituels : la fourniture de grumes de hêtre et de pins sylvestres, attribuée à l’Office national des forêts (ONF) qui prélève ces essences dans deux communes membre ; le sciage et le séchage, lot confié à la scierie de Gunstett (pour le hêtre) et au groupement Ehrstein Ernenwein de Lembach pour le pin sylvestre ; enfin, la production de bois lamellé collé, en cours d’attribution.
Sortir du pavillonnaire
« Ce projet cherche à concilier densité et intimité, pour sortir du pavillonnaire en milieu rural », explique Jean Réhaut, architecte. Le travail sur la ressource locale inclut l’isolation en paille, qui contribue à la candidature de l’opération à l’appel à projets régional pour des constructions passives biosourcées. Le concepteur a inclus des espaces dédiés à l’activité professionnelle et prévu un potentiel d’extension, accolé aux garde-corps et aux passerelles de liaison entre l’habitation et l’espace mutualisé dédié au bricolage, stockage de vélos et repas communs. Ce dernier bâtiment réinterprète la silhouette traditionnelle de la grange, avec des inclinaisons de toiture optimisées pour la production photovoltaïque. A 438 000 euros pour deux T5 dont l’un livré prêt à décorer et à cloisonner, les architectes ont respecté des coûts d’objectifs comparables à ceux de constructions traditionnelles, à un aléa près : la médiocre qualité du sous-sol légué par l’exploitation pétrolière conduit à un surcoût évalué à 48 000 euros, pour la mise en œuvre de fondations spéciales.
Hêtre et lamellé collé : première française
La mise en œuvre du hêtre lamellé collé suscitera une première française : pour rendre possible l’assurabilité des ouvrages et la reproductibilité de la démarche, le Critt Bois et le FCBA profitent de l’opération pour jeter les bases d’une caractérisation technique du lamellé collé issu de l’essence dominante des Vosges du Nord. « Il n’y a pas de bonne raison pour empêcher l’utilisation du bois de nos forêts dans la construction », argumente Frédérique Weber, chargée de mission à la communauté de communes.
La mobilisation des acteurs locaux de la filière bois sous-tend une seconde opération communautaire, dont le chantier démarrera également en septembre, dans le cadre du même pôle d’excellence rurale : au sein du parc d’activités de la Sauer géré par la collectivité, deux entreprises respectivement spécialisées dans l’ossature bois et le taillage vont mutualiser leur savoir-faire. La communauté de communes leur construira dans ce but un immeuble locatif de 2600 m2 entièrement en bois, conçu par Claire Keller, architecte à Wingen-sur-Moder, pour 2,26 millions d’euros. Des bureaux et un show-room serviront de vitrine à l’association Synergie Bois, qui fédère la filière locale.
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