Bioconsolidation : lorsque les bactéries reconstruisent la pierre
Un nouveau procédé de régénération de la pierre a été mis au point en Espagne. Basé sur la capacité des bactéries de la pierre à reconstituer un maillage tellurique, il devrait simplifier à l’avenir les travaux de restauration du patrimoine.
Maya Pic
La pierre abrite des micro-organismes qui peuvent entraîner des altérations, mais qui sont également susceptibles de favoriser sa régénération. Depuis plusieurs décennies, les géologues étudient le phénomène de carbonatogénèse, selon lequel les bactéries présentes dans la pierre calcaire sont capables de fabriquer du carbonate de calcium. La connaissance de ce phénomène naturel a conduit au développement d’un traitement de la pierre, la biominéralisation : des bactéries calcifiantes, intégrées artificiellement dans les pores et les interstices de la roche, y produisent un maillage de calcaire et en reconstituent l’épiderme. Les premiers essais in situ de ce procédé ont eu lieu dans les années 1990.
Une formule pour auto-régénérer la pierre
Une équipe de chercheurs de l’Université de Grenade en Espagne est allée plus loin puisqu’elle vient de mettre au point le procédé innovant de "bioconsolidation". Il s’agit non plus d'ajouter des bactéries à la roche mais de nourrir les bactéries déjà présentes avec une solution aqueuse administrée par vaporisation. Le liquide nutritif, composé de produits neutres, sans additifs ni conservateurs, active et alimente les bactéries. L’activité métabolique de ces micro-organismes crée des conditions favorables à la formation du ciment naturel qu’est le carbonate de calcium. Celui-ci s’intègre dans le système poreux de la pierre jusqu'à 7 cm de profondeur sans altérer sa texture ni sa couleur. Après traitement, la pierre régénérée retrouve sa cohésion initiale, devient plus résistante aux contraintes mécaniques et aux attaques chimiques.
7 jours d’application, 7 ans de protection
Le produit est applicable sur les pierres poreuses (calcaire, grès), le marbre, le plâtre, les mortiers de chaux ou mortiers à base de ciment Portland. Afin de ne pas fixer les encrassements lors de la carbonatogénèse, le support doit être exempt de polluants atmosphériques, poussières, contaminants biologiques, restes de peintures, hydrofuges et sels. Le produit s’applique deux fois par jour durant sept jours en moyenne, selon l’état de détérioration de la pierre. Son effet protecteur est garanti pour durer au minimum sept ans.
Ce nouveau procédé a déjà été utilisé avec succès sur divers monuments en Espagne, notamment sur le monastère San Jeronimo de Grenade. La société espagnole KBYO Biological, spécialisée dans la conservation préventive du patrimoine, la réhabilitation architecturale et la consolidation de la pierre, en exploite le brevet. Elle s’est associée à l’entreprise française pour la conservation du patrimoine ECP, qui la distribuera à partir de 2015 en France, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg.
Bioconsolidation : lorsque les bactéries reconstruisent la pierre
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