Conditions de travail : au Qatar, Vinci peine à prouver sa vertu

Visé par les critiques et des plaintes d’anciens ouvriers de ses chantiers à Doha, le major a mis en place depuis plusieurs années une politique de ressources humaines plus responsable, saluée jeudi 28 mars par un rapport d’audit favorable de l’IBB, (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois), fédération syndicale internationale du secteur de la construction. Et pourtant, le doute persiste.

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Conditions de travail : au Qatar, Vinci peine à prouver sa vertu
Les ouvriers de QDVC ont élu en janvier 2019 leurs représentants au sein du Worker's Welfare Committee.

Il est peu de dire que Vinci l’a encore en travers de la gorge. Accusé en 2015 dans une plainte de l’ONG Sherpa de "travail forcé", "réduction en servitude" ou encore "recel" à l’encontre de ses ouvriers au Qatar, le géant du BTP qui a vécu l’attaque comme une « injustice » dixit Franck Mougin son DRH, peine encore 4 ans plus tard à laver l’opprobre. D'autant plus frustrant qu’il semble que plus Vinci joue la transparence, plus des doutes s’élèvent.

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Alors la publication, jeudi 28 mars 2019, d’un rapport d’audit favorable sur les activités qataries du groupe, réalisé début janvier 2019 par plusieurs organisations syndicales de Vinci (CGT, CFDT et CFE/CGC) et l’IBB, (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois) est à la fois un soulagement et l’occasion de se soumettre à nouveau au feu des questions.

Pourquoi pas avant ?


"Les conclusions de l'audit soulignent le caractère éthique des pratiques de recrutement et d'emploi de Qatari Diar Vinci Construction (QDVC), le bon niveau de santé et de sécurité observé sur ses chantiers, la protection des droits des travailleurs", écrivent dans un communiqué conjoint Vinci et la fédération syndicale mondiale IBB (Internationale des Travailleurs du Bâtiment et du Bois).

Effectivement à partir de 2012, Vinci, associé avec le fonds souverain Qatari Diar au sein de QVDC, a progressivement appliqué une politique de ressources humaines responsable, au niveau des standards internationaux fixés par l’Organisation Internationale du Travail. En versant un salaire net bien supérieur à celui de ses concurrents (450 € mensuels alors que le salaire minimal instauré au Qatar fin 2017 est de 180 €).

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En contrôlant les conditions de travail de ses ouvriers sur les chantiers (8h par jour 6/7 avec un rappel des consignes permanent notamment pour ne pas s’exposer gravement aux fortes chaleurs). En contournant petit à petit le « droit » du travail archaïque de l’Emirat – Vinci signe systématiquement, à l’embauche, les « NOC », les Non-objection Certificates, documents obligatoires pour les travailleurs immigrés pour pouvoir changer d’employeur.

En contrôlant sa chaîne de recrutement dans le sous-continent indien pour éviter les pratiques de corruption, d’endettement de travailleurs forcés de payer leur embauche. Et en imposant ces standards aux agences d'intérim et à ses sous-traitants. "L'audit constate que les travailleurs perçoivent un salaire supérieur au salaire minimum et déclarent être globalement satisfaits de leurs conditions de travail", note ainsi le rapport.

Oui mais, s’est empressée de souligner la presse (dont Le Moniteur), invitée à Doha les 25 et 26 mars par le groupe pour visiter ses installations : QDVC a démarré ses premiers chantiers en 2008. Alors pourquoi avoir attendu 2012 ? « Nous étions à l’époque en plein « Qatar bashing » », a rappelé Franck Mougin, « et l’Emirat a voulu montrer sa bonne volonté ». L’explication vaut ce qu’elle vaut. Difficile décidément de tuer le doute.

Dernier exemple de cette méfiance avec le cas de la base vie des ouvriers du chantier du tram de Lusail, la Serge Moulène Worker’s Community (photo ci-dessus, fournie par QDVC). Cette gigantesque structure, qu’on pourrait comparer à une caserne, peut accueillir plusieurs milliers de personnes en leur assurant des conditions d’accueil dignes : des logements propres pour 4 personnes maximum avec lits individuels, des installations sanitaires correctes, un réfectoire, une multitude de services (épicerie, blanchisserie, infirmerie) et d’installations de loisir (terrain de sport, salles internet, salles vidéo, salle de gym).

Sa construction a coûté 50 M€. Et l’installation a été inaugurée en janvier 2015… 2 mois avant le dépôt de plainte de Sherpa. « On n'a vraiment pas compris », regrette toujours amèrement Franck Mougin.

Maudit doute

Alors Vinci et QDVC s’accrochent à ce rapport favorable, aux différentes certifications obtenues comme celle de BSR (Business for Social Responsibility), ONG qui accompagne un réseau mondial de plus de 250 entreprises membres dans leurs politiques de RSE. A cet accord sur les droits des travailleurs signé en 2017 avec l'IBB et l'Organisation internationale du travail (OIT) qui valide leur politique.

QVDC s’appuie aussi sur le soutien de ses ouvriers et du Workers' welfare committee (WWC), sorte de comité d’entreprise créé en 2016 et dont les représentants ont été élus de façon « libre et transparente », ont noté les auditeurs.

Vinci aura besoin de tous ces piliers pour asseoir une nouvelle fois sa défense. En effet, en février 2018, l'enquête préliminaire visant Vinci a été classée sans suite. Mais fin septembre, Sherpa, qui s'est fixé pour but de défendre les populations victimes des crimes économiques, a déposé une plainte avec constitution de partie civile, ce qui devrait automatiquement entraîner l'ouverture d'une nouvelle instruction. Maudit doute…

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