Au Havre, la guerre des cimentiers fait rage
Sur le port du Havre, deux projets de centres de broyage de clinker inquiètent fortement Lafarge Ciments. Selon le groupe cela pourrait même menacer l’existence de l’usine de Saint-Vigor-d’Ymonville, son deuxième plus grand site industriel.
RICHARD GOASGUEN
Lafarge Ciments se sent en danger. Sur la zone industrialo-portuaire du port du Havre, deux projets de centres de broyage de clinker (matériau de base essentiel dans la production de ciment) sont en train de se concrétiser. Jean-Marc Domange, ex-président du Sfic (Syndicat français de l’industrie cimentière) et ancien directeur de Ciments Calcia, mène, depuis plusieurs années, via sa société de développement CEM 21, un projet à Oudalle, près du Havre.Vracs de l’Estuaire SAS dispose, en effet, depuis fin 2010 de tous les feux verts administratifs pour une unité de broyage de clinker. « Le projet est toujours actif et même en voie de finalisation. Nous recherchons avec le port la meilleure solution pour l’accueil des bateaux», affirme Jean-Marc Domange, qui poursuit un projet parallèle à Montoir-de-Bretagne près de Saint-Nazaire, qui entrera en production début 2013 au terme d’un investissement de l’ordre de 45 millions d’euros.
Une capacité de 500 000 tonnes de clinker par an
Parallèlement, sur la même zone géographique, le long du Grand Canal, le grand port maritime du Havre (GPMH) a attribué à la société SMEG, le 6 septembre dernier, une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du terminal multivrac (MTV) que convoitaient également Vracs de l’Estuaire et Lafarge. Ce choix, qui fait suite à une consultation européenne dans le cadre de la loi portant sur la réforme portuaire de juillet 2008, est assorti d’une « convention de terminal ».
SMEG et ses partenaires, dont Liants Océanes, SARL gérée par le cimentier belge Philiep Van Eeckhout, s’y engagent à effectuer deux investissements. Le premier, qui doit s’élever à 3,5 millions d’euros, produirait électricité et vapeur à partir de produits de biomasse. L’autre, de 25 millions d’euros, broierait du clinker d’importation avec une capacité de 500 000 tonnes/an. « Notre rôle n’est pas d’arbitrer entre concurrents mais de développer nos trafics de vracs. En toute transparence, l’offre de SMEG était la meilleure. Si ses engagements n’étaient pas tenus, les conventions seraient résiliées », commente Hervé Martel, président du directoire du GPMH.
Un marché mature
A Saint-Vigor-d’Ymonville, site adossé à une carrière produisant des matières premières pour le clinker et mis en service en 1970, l’inquiétude est à son comble chez Lafarge Ciments (160 salariés, 700 emplois indirects). « Notre usine produit actuellement 650 000 tonnes de clinker par an pour 950 000 tonnes de ciments. Autrement dit, elle fonctionne à 65 % de ses capacités maximales », indique Jean-Louis Sibioude, directeur de la cimenterie. « Nous sommes sur un marché national mature. Depuis 20 ans, la consommation nationale de ciments oscille entre 25 et 19 millions de tonnes. Ce n’est pas en additionnant les offres que cette consommation augmentera », ajoute Bertrand Cathala, directeur des activités portuaires chez Lafarge Ciments. Des études seraient en cours pour moderniser le site havrais avec un programme d’investissements de 80 millions d’euros sur 6 ans à la clé.
Un cas d'école
Dans cette confrontation, qui oppose depuis plusieurs années dans les ports français (Sète, Lorient, Brest, …) les géants du ciment à des « outsiders », Le Havre et ses 3 challengers promet d’être un cas d’école. A Dunkerque, Lafarge a pris le contrôle en 2010 de Nord Broyage pour y traiter les éventuels excédents de production de son usine havraise. A Marseille, les Ciments du Lacydon, où l’on retrouve le belge Van Eeckhout, se sont installés l’an dernier. Pour importer du ciment « low cost » dans un premier temps. Avant de broyer du clinker, en provenance de Turquie également le plus souvent.
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