Arras Une ville moyenne se réveille
-Préfecture du Pas-de-Calais, elle commence à esquisser son projet urbain. -Appuyé sur un patrimoine remarquable, le tourisme constitue l'un des axes du développement futur. -Objectif : 5 000 nouveaux Arrageois en dix ans.
Jean-Marie Vanlerenberghe, le maire d'Arras, veut dynamiser sa ville. Deux ans après son arrivée à la tête de la capitale du Pas-de-Calais et du district d'Arras, son projet urbain commence à prendre forme, des priorités sont affichées... et les moyens sont évalués. Il est clair qu'ils ne sont pas démesurés. Arras est une ville moyenne (39 000 habitants), au coeur d'une agglomération de taille modeste (80 000 habitants) qui rayonne sur un pays rural et sur la frange sud du bassin minier. Les projets de la ville et du district doivent cadrer avec cette dimension urbaine moyenne qui produit des ressources fiscales en conséquence, lesquelles sont en grande partie absorbées par les indispensables équipements d'écologie urbaine (voir encadré). Qui plus est, Arras et la plupart des communes du district sont exclues des zones « objectifs 1 et 2 » de l'union européenne et n'ont pas accès à la manne des fonds européens les plus fournis.
Une ville administrative et tertiaire
Arras a pourtant quelques beaux atouts. D'abord, l'agglomération bénéficie d'une situation économique relativement bonne. L'Arrageois n'a, en effet, pas eu à subir les lourdes séquelles de la fin du charbon et de l'effondrement des industries textiles ou métallurgiques qui pèsent sur l'évolution des autres principales villes régionales. Préfecture du Pas-de-Calais, siège de l'université d'Artois, c'est une ville administrative et tertiaire active. Ses 32 000 emplois attirent quotidiennement 22 000 actifs résidant en banlieue ou dans la périphérie rurale. Le taux de chômage (11,5 %) y est plus faible que dans tout le reste de la région. Mais il n'est pas négligeable, et Jean-Marie Vanlerenberghe accorde la plus grande importance à la dynamisation du tissu économique (voir entretien). C'est un travail de long terme et, dans l'immédiat, le caractère administratif d'Arras va encore être accentué grâce à la création et au développement du 601e régiment de circulation routière, implanté dans la citadelle. De 1997 à 2002, le régiment va recruter 100 militaires professionnels par an.
Arras bénéficie aussi, et peut-être surtout, d'un patrimoine architectural ancien exceptionnel (226 immeubles sont protégés au titre des monuments historiques), dont le fleuron est constitué par l'ensemble Grand-Place/place des Héros. Pourtant, Arras n'est pas une grande ville touristique. C'est justement cette fonction qui devrait constituer le principal point d'appui de la stratégie arrageoise.
Il s'agit de rompre avec un certain immobilisme, de valoriser les atouts touristiques et culturels et de faire d'Arras une ville qui rayonne et qui attire.
Repeupler la ville et diversifier l'habitat
Pour porter cette ambition, il faut d'abord repeupler la ville. En dépit de ses attraits, celle-ci a perdu 10 000 habitants au cours des vingt dernières années au profit de sa banlieue et de sa périphérie rurale. Le premier souci de Jean-Marie Vanlerenberghe a été de renverser cette tendance et d'attirer à Arras une nouvelle population. La ville et le district ont d'abord joué de tous les moyens classiques à leur disposition : opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) du centre ancien, qui s'est traduite par l'arrivée de près de 200 ménages en deux ans, opérations classiques montées avec les partenaires HLM (Opac 62, Logement rural...), avec les promoteurs locaux (Europanord, L'Elige, Petit). Audacieusement, le district a décidé en 1996 de doubler le prêt à taux zéro (voir encadré). A l'heure actuelle, l'état des permis de construire porte sur 400 logements.
Mais Jean-Marie Vanlerenberghe souhaite aller plus loin, et surtout disposer d'un habitat plus diversifié. « Il faut proposer autre chose que le studio et le T2 pour étudiant », dit-il. Pour passer à la vitesse supérieure, il a joué cartes sur table. Au sens propre.
Le 21 avril dernier, la ville a organisé un forum de l'immobilier où ont été présentés, sous forme de fiches détaillées aux participants, treize sites disponibles susceptibles d'accueillir des programmes de logements. Certains sont déjà maîtrisés au plan foncier par la ville, comme l'îlot (4 200 m2) du Mont-de-Piété. D'autres, telles les casernes Schramm (2,8 ha), seront libérés à court terme. L'objectif est de résorber ces friches, de diversifier les partenaires et d'attirer à Arras de nouveaux promoteurs. Et de capter 5 000 nouveaux Arrageois au cours des dix prochaines années.
Projet urbain en cours d'élaboration
Le projet urbain qui sous-tend cette ambition est en cours d'élaboration. Mais il est certain que la revitalisation du centre-ville et la mise en valeur du patrimoine bâti seront des axes majeurs. La décision de ravaler l'hôtel de ville et la place des Héros est déjà prise, grâce à une subvention du ministère de la Culture. Les travaux commenceront en 1998. Un plan « lumière » est à l'étude et sera mis en oeuvre également l'an prochain. Différents réaménagements de places (place Verlaine, notamment) et de voiries (route de Cambrai...) sont en cours.
D'autres grands chantiers sont envisagés dans le centre historique, notamment la rénovation du théâtre. Mais l'aide de l'Etat sera indispensable. En tout état de cause, elle n'est pas envisagée avant la fin du mandat.
Plus globalement, une réflexion sur l'organisation urbaine d'Arras est en cours. Ce travail, démarré par les équipes de la ville et du district, va être approfondi avec l'appui d'intervenants extérieurs.
Réaménagements autour de la gare TGV
Mais les points majeurs de ce projet urbain sont déjà affichés. Le dossier le plus avancé est celui de la place Foch, devant la gare TGV. Plusieurs opportunités ont permis son démarrage précoce : la libération d'emprises foncières par la Poste et la SNCF - le district négocie les acquisitions - et la décision de la SNCF de rénover la gare - les travaux démarreront fin 1997. La ville a décidé de réaménager la place qui sera dotée d'un terre-plein central végétalisé et équipé d'un système d'éclairage au sol, ouvert sur les principales voies d'accès. Les travaux débuteront avant la fin de l'année (coût : 15 millions de francs). La gare de bus sera déplacée et reconstruite sur les terrains libérés par la SNCF.
La ville espère que cet investissement relancera l'intérêt des investisseurs pour l'opération Atria, toujours inachevée, en face de la gare.
Transformation de l'entrée nord
L'autre dossier majeur est celui de l'entrée nord d'Arras. Sur ce site où la RN50 croise la Scarpe, la disparition des abattoirs, le départ d'unités industrielles, puis, à terme, la démolition de l'ancienne station d'épuration créent de vastes disponibilités foncières qui jouxtent le tout nouveau parc des expositions construit par la chambre de commerce.
Une partie de ces espaces s'intégreront dans « une coulée verte » qui pourra se continuer jusqu'à proximité du centre-ville. La création d'un parc urbain est envisagée.
Sur le reste, le parti pris d'aménagement devra organiser une transition de qualité entre la Scarpe et la ville. Le district penche pour la création d'une ZAC. Mais la décision n'est pas prise.
Des études vont être lancées pour définir un projet et un programme. Celui-ci devra intégrer le Cestar (Centre d'études des sciences et techniques agroalimentaires et rurales), équipement de culture scientifique qui va être installé sur les locaux de l'entreprise Maxei. Quarante millions de francs seront engagés par le district pour la construction des nouveaux bâtiments en 1998.
Des équipements sportifs intercommunaux pourraient également trouver place sur ce site, de même que des programmes de logements et, sans doute, des implantations d'activités tertiaires. Cette transformation de l'entrée nord suppose, à terme, un réaménagement des axes Schuman et Michonneau en « boulevards urbains ». Ce qui « recentrera » la Grand-Place qui pourrait retrouver une nouvelle vie.
Le projet urbain devra aussi traiter de la liaison, aujourd'hui insuffisante, entre l'axe commerçant et le site historique des places. Enfin, une réflexion approfondie va être lancée par le district sur les déplacements. L'ensemble de ces projets et chantiers s'étalera sur des années. Jean-Marie Vanlerenberghe sait que le temps de la ville est long.
Par ailleurs, sa méthode est basée sur la concertation. Chaque projet est présenté aux riverains au cours de réunions publiques, et éventuellement remanié en fonction des observations. Ce qui prend aussi du temps.
PHOTOS : 1. La place des Héros, qui va être ravalée, s'intègre dans un patrimoine architectural ancien exceptionnel. Pour la ville, il s'agit de rompre avec un certain immobilisme et de valoriser les atouts touristiques et culturels pour forger l'image d'une ville qui rayonne et qui attire.
2. La place de la Gare sera dotée d'un terre-plein central végétalisé avec d'un système d'éclairage au sol.
3. Le rénovation de thèâtre d'Arras fait partie des grands chantiers envisagés. Mais l'aide de l'Etat est indispensable.
Les chantiers d'écologie urbaineLe district va lourdement investir dans différents gros équipements d'écologie au cours des prochaines années. Une nouvelle station d'épuration est en cours de construction à Saint-Laurent-Blangy. Elle sera mise en service en novembre 1998. Son coût est de 83 millions de francs. Le groupement Bilfinger/Passavant/Impianti/Razel a obtenu le lot process, Dumez, le lot génie civil, et le BCEOM assure la maîtrise d'oeuvre.
Par ailleurs, un gros bassin de stockage des eaux résiduaires va être construit (coût : 30 millions de francs) pour améliorer la qualité des eaux de la Scarpe.
De nouveaux équipements d'adduction d'eau potable sont à prévoir, le district ayant décidé d'exploiter un nouveau site de pompage à Hamblain-les-Prés, site où seront construites des unités de stérilisation et de déferrisation. L'ensemble représente un investissement de 80 millions de francs qui sera étalé sur deux ans à partir de 1998.
Enfin, la construction d'une nouvelle unité de traitement des résidus ménagers est à l'étude. Cette réalisation pourrait être commune à l'Arrageois et au Douaisis.
ENTRETIENS JEAN-MARIE VANLERENBERGHE « Un pôle de référence dans l'agroalimentaire »Le maire-président du district développe sa stratégie économique. Quelles sont vos priorités d'action ?
JEAN-MARIE VANLERENBERGHE. La priorité, c'est de favoriser le développement économique et la création d'emploi. Le taux de chômage est de 11,5 %. L'agglomération peut espérer mieux. Elle a une vocation touristique évidente, grâce au patrimoine bâti. Nous ambitionnons également d'être le pôle de référence de l'agroalimentaire du nord de la France. Le Cestar, qui va s'installer à l'entrée nord d'Arras, sera la vitrine de ce pôle qui s'appuiera aussi sur Adrianord, une structure de recherche-développement actuellement basée dans la zone industrielle est. Affirmer cette spécificité, dans un partenariat étroit avec la chambre de commerce, devrait nous permettre d'attirer de nouvelles implantations dans l'agroalimentaire.
Prévoyez-vous de nouveaux sites pour l'accueil d'entreprises ?
La zone industrielle Est est remplie. Les 120 ha d'ArtoisPôle, en bordure de l'autoroute A1, sont complètement équipés et se remplissent à un rythme soutenu. Nous envisageons de lancer dans trois ans une extension de 60 ha de l'autre côté de la route de Cambrai. Les acquisitions foncières sont à l'étude. Vers le nord, il existe des possibilités de création d'un parc d'activités vers Bailleul. Enfin, nous regardons également vers l'ouest qui va devenir plus attractif après la mise en service de l'autoroute A24.
Cette stratégie offensive peut-elle être mise en oeuvre dans le cadre d'un district ?
L'hypothèse d'une transformation du district en communauté urbaine est à l'étude. L'intérêt principal est le doublement de la dotation globale de fonctionnement. Le passage à la taxe professionnelle unique est un autre débat qui fait l'objet de discussions.
Le développement touristique et culturel d'Arras implique-t-il des investissements nouveaux ?
Il faudra valoriser et développer des sites complémentaires au patrimoine ancien. Le Cestar, qui sera un espace de rencontre à vocation pédagogique, jouera ce rôle. Par ailleurs, nous envisageons d'aménager, au sud d'Arras, les souterrains qui ont abrité les armées britanniques en 14-18.
Au centre-ville, l'ensemble constitué par le théâtre, la salle des concerts, la salle des harmonies et la salle des orphéonistes est un atout considérable qu'il faudra rénover avec l'aide de l'Etat. Enfin, la réhabilitation de l'îlot aux Ours devrait permettre d'accueillir un complexe de cinémas de 1 500 places, créé par l'actuel gérant du cinéma « Le Palace », situé sur la Grand-Place.
%%GALLERIE_PHOTO:0%%
L'abondement du prêt à taux zéroEn 1996, dans le droit fil de sa stratégie de soutien à l'habitat, le district a voté un dispositif d'abondement du prêt à taux zéro, suivant en cela l'exemple de Paris. Le mécanisme est identique.
Le district a passé une convention avec tous les établissements bancaires de la place, auxquels elle reverse le montant des intérêts non perçus. Le prêt, d'un montant de 30 000 francs au maximum, est accessible dans les mêmes conditions d'éligibilité que le prêt à taux zéro. L'objectif était d'inciter les occupants d'HLM à se lancer dans l'accession.
Les résultats ont dépassé les espérances. En dix-huit mois, 95 prêts complémentaires ont été alloués. Et les 4 millions de francs prévus dans le budget 1997 pour le reversement des intérêts non perçus aux banques seront probablement dépassés. Les bénéficiaires ont opté à 60 % pour de la construction neuve et à 40 % pour des acquisitions à réhabiliter.
« Le dispositif permet, dans une certaine mesure, de remédier à la défaillance des prêts patronaux », observe-t-on au Logement rural. Sera-t-il maintenu après 1997 ? La question reste posée.
L'abondement du prêt à taux zéro
En 1996, dans le droit fil de sa stratégie de soutien à l'habitat, le district a voté un dispositif d'abondement du prêt à taux zéro, suivant en cela l'exemple de Paris. Le mécanisme est identique.
Le district a passé une convention avec tous les établissements bancaires de la place, auxquels elle reverse le montant des intérêts non perçus. Le prêt, d'un montant de 30 000 francs au maximum, est accessible dans les mêmes conditions d'éligibilité que le prêt à taux zéro. L'objectif était d'inciter les occupants d'HLM à se lancer dans l'accession.
Les résultats ont dépassé les espérances. En dix-huit mois, 95 prêts complémentaires ont été alloués. Et les 4 millions de francs prévus dans le budget 1997 pour le reversement des intérêts non perçus aux banques seront probablement dépassés. Les bénéficiaires ont opté à 60 % pour de la construction neuve et à 40 % pour des acquisitions à réhabiliter.
« Le dispositif permet, dans une certaine mesure, de remédier à la défaillance des prêts patronaux », observe-t-on au Logement rural. Sera-t-il maintenu après 1997 ? La question reste posée.