Angers reconquiert ses friches
Lancées au début des années 90, les opérations « Front de Maine » et « Saint-Serge » démontrent les vertus d'une politique urbaine couplant rigueur et audace mesurée.
MANUEL DELLUC
Dans la concurrence qui, depuis la décentralisation, oppose les grandes villes de province, Angers a su construire une identité singulière, où la tempérance apparaît comme la qualité spécifique d'un certain art de vivre provincial... mais néanmoins ambitieux. Stratégiquement implantée sur les rives de la Maine, courte rivière dans laquelle, avant de rejoindre la Loire, confluent la Mayenne, la Sarthe et le Loir, la capitale historique de l'Anjou semble le point d'équilibre où le centre de la France et l'Ouest breton, le Nord et le Sud de la Loire se rencontrent pour échanger leurs vertus respectives.
Si la concurrence de Nantes, capitale de la région des Pays de Loire, y est bien sûr ressentie, les différents acteurs de la politique urbaine d'Angers ont su faire de cet effacement relatif l'un de leurs meilleurs arguments. Ici on affiche bien haut le souci... de ne pas trop s'afficher, et, en l'absence d'un trait dominant - les célèbres ardoisières d'Angers, supplantées par la production espagnole, ne jouant plus ce rôle -, la ville met en avant ses nombreuses facettes pour vanter une identité riche et équilibrée. Parmi celles-ci, la tradition horticole en est une importante, qui explique simultanément la constitution d'un fort pôle de recherche en biotechnologie végétale et la tradition jardiniste de la ville, particulièrement arborée.
Si la « douceur angevine » constitue donc le meilleur argument de l'ancienne capitale de l'ardoise, il ne faut pas s'y fier pour autant : cette discrétion se veut avant tout marque de rigueur. Ce qui est vrai en politique générale - le très faible endettement de la ville est ainsi constamment souligné -, l'est a fortiori de la politique urbaine. La stabilité politique de Jean Monnier, maire mais également président du district, ainsi que sa forte personnalité, auront permis la mise en oeuvre d'une politique peu médiatique mais cohérente. Elu depuis 1977, le premier magistrat de la ville aura consacré ses deux premiers mandats à consolider la cité angevine, avant de consacrer les deux suivants à développer l'attrait économique de la cité.
Outre le développement d'une technopole, deux grandes opérations de reconversion d'anciennes friches industrielles sont ainsi lancées à la fin des années 80 : le quartier du « Front de Maine » à dominante logement, situé rive droite sur l'ancien terrain des abattoirs, et celui de « Saint-Serge », à dominante tertiaire puis universitaire, aménagé sur une ancienne gare, également en bordure de la Maine, mais en amont de la ville et rive gauche. Aujourd'hui la réalisation de ces deux projets est suffisamment avancée pour permettre une première évaluation. La similitude de leur implantation (chacun des quartiers bordant l'entrée de la rivière dans la ville) et de leur dimension, donne l'occasion d'une comparaison instructive entre deux approches du projet urbain.
PHOTOS 1. Vue aérienne (page précédente) : la ZAC Front de Maine (en haut, à droite) et la ZAC Saint-Serge (en bas, à gauche). 4. L'une des réalisations en accession privée.
5. Détail des façades Est, rythmées par des distributions verticales.
6. Vue depuis l'autre rive de la Maine montrant l'ouverture sur la rivière du plan «en peigne».
PLANS 2. Perspective de la proposition de concours, très ordonnancée, avec, au centre, le centre tertiaire et culturel signalé d'une tour. 3. Plan-masse du projet réalisé, marqué par l'apparition du projet de Denis Sloan pour la préfecture.
FICHE TECHNIQUE
Localisation : bordure de Maine, face au château d'Angers.
Surface : 11 ha.
Concours d'urbanisme : 1989.
Lauréat : Claude Vasconi.
Aménageur concessionnaire : SARA.
Programme : 850 logements, équipements tertiaires (préfecture) et culturels.
Opérations réalisées ou engagées
Logements : Les Terrasses du château (82 logements, accession privée Socafim Ouest) ; Yolande d'Aragon (46 logements, locatif social, Angers Habitat/Soclova) ; Beaurepaire (74 logements, locatif social, Angers Habitat) ; Foulques Nerra (84 logements, locatif privé, Saïem de Nozay) ; Les Terrasses de la Maine (110 logements, locatif privé, Socafim Ouest) ; Les Jardins du Front de Maine (48 logements, accession privée, M. Chouteau) ; Résidence du roi de Pologne (108 logements, accession privée, Socafim Ouest) ; Le Clos du château (2 tranches, 102 logements, démarrage juin 1997, Bak/Charpenet).
Transfert de l'Ecole Saint-Pierre : ouverture septembre 1992.
Préfecture : 11 000 m2.
Bilan financier. ZAC : 107 MF en dépenses et recettes dont foncier (45,7 MF) et travaux (30,5 MF). Participation ville : 24,8 MF.
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