Aménagement de la montagne : une piste n’est pas un terrain !
Selon le Conseil d’Etat, un préfet ne peut pas créer, sur un circuit de randonnées effectuées en motoneige, une unité touristique nouvelle (UTN) ouverte à la circulation de ces engins.
Nathalie Levray
Le Code de l’urbanisme définit les unités touristiques nouvelles, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent être aménagées, sur autorisation du préfet coordonnateur de massif, en terrains pour la pratique de sports et de loisirs motorisés. De son côté, le Code de l’environnement réglemente strictement la circulation de véhicules à moteur : une motoneige n’est autorisée à circuler que sur des terrains spécifiquement aménagés. Dans un arrêt du 5 novembre 2014, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement des juges du fond qui conjugue ces deux textes pour annuler un arrêté préfectoral.
Parcours ou terrain ?
L’affaire est révélatrice des évolutions de notre société de loisirs et de consommation. Trois loueurs de motoneiges exploitent 70 de ces engins sur les stations de ski des Ménuires et de Val Thorens. Ils sont titulaires d’une autorisation municipale qui est contestée par deux associations de protection de la montagne. Celles-ci obtiennent la condamnation de ces trois exploitants par le tribunal de police. La commune demande alors, dans le cadre d’une procédure UTN, l’ouverture de deux « terrains » pour ces motoneiges. Le préfet délivre l’autorisation UTN. De visu, ces terrains s’avèrent en réalité deux « boucles » larges de quatre mètres, l’une de 9,5 km autour d’un espace de 570 hectares sur les Ménuires, l’autre de 8 km ceinturant 424 hectares à Val Thorens, dans des « zones demeurées essentiellement naturelles, empruntant des pistes du domaine skiable ».
Ces circuits en milieu naturel peuvent-ils recevoir l’appellation de « terrains » ? « Non », répond le juge administratif en repartant des travaux parlementaires ayant précédé la « loi Lalonde » votée en 1991, relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels. En « zone de montagne », des « itinéraires, même balisés [...] ne peuvent être regardés comme des terrains ». Un terrain accueillant des motoneiges doit faire l’objet d’un permis d’aménager.
Esprit de Grenelle, es-tu là ?
L’affaire ne s’arrête pas là. Pour recevoir entière application, l’arrêt du Conseil d’Etat devra être suivi par le retrait de ses autorisations aux loueurs de motoneiges par la commune. En effet, l’arrêté du préfet autorisant l’UTN se borne à autoriser la commune à délivrer l’autorisation de l’activité « motoneige » ...
Rappelons que depuis la « loi Lalonde », dont l’ambition consistait à préserver les espaces naturels, le Grenelle de l’environnement est passé par là, avec ses bilans carbone et ses objectifs de développement durable. Fortes de cette solution de la haute juridiction, les stations de sports d’hiver devront aussi réinterroger la pratique actuelle de convoyer leurs clients vers les restaurants d’altitude... par motoneiges. A noter cependant que l'article 22 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises autorise par dérogation le convoyage par des motoneiges de la clientèle vers les restaurants et hôtels d'altitude et prévoit un décret pour en fixer les modalités.
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