
Agora 2012/Bordeaux : une cuvée signée de l’architecte Marc Barani
De notre envoyé spécial à Bordeaux, Jacques-Franck Degioanni | le 14/09/2012 | Bordeaux, agora, Architecture, Architecture intérieure, Collectivités locales
La biennale d’architecture et de design de Bordeaux a été inaugurée jeudi 13 septembre par le maire de la ville, Alain Juppé, aux côtés de Marc Barani, commissaire général de la manifestation. Le patrimoine – dans toutes ses composantes – est au cœur des interrogations de cette édition, jusqu'au 16 septembre.
« Patrimoine : Héritage/Hérésie » : tel est le thème de l’exposition centrale d’Agora 2012. Entre avenir et souvenir, entre palimpseste et rémanence, Marc Barani, architecte et commissaire de l’exposition invite, en huit vidéos « grand public » de 15 minutes (signée de son frère, artiste vidéaste, Christian Barani), à explorer les méandres du patrimoine, à savoir, selon la définition que celui-ci en propose : « tout ce qui est disponible ».
Entre vénération et table rase, entre dévotion confite devant « l’étant-donné » et révolution, ce voyage critique et poétique est destiné, de Katmandou à Ouagadougou, à élargir et faire évoluer la notion même de patrimoine en « décalant le regard », voire en assumant sa « conversion ».
Dans sa première partie, l’exposition propose une extension du domaine du patrimoine : à Katmandou, un arbre sacré pousse à l’intérieur d’un temple avec lequel il entre en symbiose, l’ensemble est peint en rouge vif. Un occidental n’y verrait qu’une aimable ruine sans intérêt… A Ouagadougou, le patrimoine est invisible ou presque : divinités hiératiques, « bois sacrés » inviolables, symboles ésotériques. Au Kazakhstan, c’est une jeune femme qui erre dans les ruines d’une cité ouvrière en démolition, qui parle de la vie qui a été la sienne ici, autrefois…
Patrimoine immémorial, patrimoine sans mémoire, mémoire sans patrimoine voire « patrimoine thérapeutique » : au Danemark, une ville reconstituée avec des bâtisses anciennes fait l’objet d’une reconstitution et d’une conservation minutieuses. A telle enseigne que des malades Alzheimer y retrouvent certains éléments de leur passé enfoui et qu’un protocole de soins y a été mis au point…
« Peur du vide », « On efface tout et on recommence », « Une modernité conservatrice », « The only limit is the imagination », etc. Qu’il s’agisse de Dresde, de Beyrouth, de Rotterdam, de Ouagadougou ou de Dubaï – un déni d’architecture - chacune de ces villes a été détruite au cœur : par la guerre, par la spéculation immobilière, par la colonisation. Et la manière dont celles-ci se sont (re)construites, avec plus ou moins de bonheur, renseigne sur la manière dont le patrimoine a été perçu (ou nié) et ré-instrumenté.
Elle renseigne également sur la rémanence, voire les invariants, de certaines dispositions (parcellaire, tracés viaires, etc.), « l’ADN d’une ville », « le code génétique d’un territoire », comme préalable à toute intervention architecturale ou urbanistique. Ce que vient démontrer l’exemple même des mutations à l’œuvre dans la ville de Bordeaux, qui concluent la proposition à la lumière des thèmes abordés.
Les huit vidéos de l’exposition (scénographie de Birgitte Fryland, graphisme de Dirk Behage et Evelyn Ter Bekke) devraient être prochainement éditées en DVD et accessible via internet sur un site dédié. « Malin ! » s’enthousiasme Marc Barani. On approuve !
Le programme complet de l'ensemble des manifestations (débats, visites, prix, animations, expositions, etc.) d'Agora 2012 est disponible sur le site :