Accessibilité de l'habitat nouveau : l'Elan brisé ?
Pour Christian François, ancien représentant associatif au Conseil national consultatif des personnes handicapées, les dispositions prises par la loi Elan et ses textes d'application en matière d'accessibilité des logements n'apportent rien de plus que le régime résultant de la loi "handicap" de 1975...
"Le quota de 20% de logements accessibles n'est-il pas un concept doublement chimérique, mort-né ?
Le I, 2° de l'article R. 111-18-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) (tel que modifié par le décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 pris pour l'application de l'article 64 de la loi Elan), qui définit les exigences que 20 % des nouveaux appartements en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur doivent respecter, énonce : « Une partie des espaces nécessaires à l'utilisation par une personne en fauteuil roulant peuvent être aménagés à d'autres fins sous réserve que des travaux simples permettent d'en rétablir la possibilité d'utilisation par une personne en fauteuil roulant».
Dès lors, l'accessibilité telle qu'entendue par la loi Elan pour ces 20% d’appartements ne sera jamais au rendez-vous sans travaux, renvoyant de fait 100% des logements en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur au statut « d'évolutifs » ou « d'adaptables » comme l'imposait la réglementation depuis plus de quarante ans... (cf art. R. 111-18-1 au 10 août 1980).
Mais peut-il en être autrement, quand on comprend, d'une part, que les dispositions assurant l'accessibilité sont souvent binaires (douche ou baignoire, stratégie de transfert par la droite ou par la gauche, personne concernée enfant ou adulte, etc.) ; et, d'autre part, que la notion de quota ne résiste pas à l'analyse ?
En effet, au-delà de la possibilité de répondre aux exigences de la loi par la seule production de studios « accessibles », comme de l’improbable connaissance, à la conception d'un projet immobilier conventionnel, des besoins spécifiques des futurs occupants demandeurs d'accessibilité, quelle répartition typologique et quel niveau d'adaptation retenir ?
Définition du logement évolutif : un festival d’aberrations !
Que conclure en effet de la définition implicite du logement « évolutif » selon l’article R. 111-18-2 du CCH tel que modifié par le décret du 11 avril : « Pour une même typologie de logements, la surface moyenne des logements évolutifs ne peut être inférieure, lors de leur conception, à la surface moyenne des logements qui sont accessibles dès la construction en application du 2» ?
► Quel sera le panel permettant de définir «la surface moyenne» de référence : la production nationale du type d'appartements considérés, ou celle des seuls appartements du projet concerné ?
► Quelle sera la surface moyenne de référence si les 20% de logements « accessibles » ne sont pas représentatifs de l'ensemble des typologies ? Comment en effet définir la surface d'un T2 « évolutif » si le seul logement « accessible » de référence est un studio ou un T3 ?
► Comment imaginer, l'égalité des surfaces de deux appartements de même type n'étant en rien garante d'une accessibilité équivalente, que l'accessibilité efficiente d'un T2 de 36m2 (4x9) soit reproductible dans un T2 de 36m2 (6x6) ?
► Imaginons pour finir un immeuble de dix appartements de même type, dont deux (20%) 'accessibles' de 36 et 40m2 et huit 'évolutifs' de 36 m2 chacun. La surface moyenne de ces derniers (36 m2) étant inférieure à la surface moyenne (38 m2) des deux unités livrées accessibles, aucun des huit appartements « évolutifs » ne serait reconnu « accessible » après travaux alors que dans le même immeuble, un appartement de 36 m2 a été livré « accessible » !
Seule la comparaison des surfaces résultantes du changement de statut du logement concerné ayant du sens, il aurait été logique :
- soit de réactualiser ainsi l'article 5 de l'arrêté « accessibilité » du 24 décembre 1980 : «Les logements situés au rez-de-chaussée et aux étages desservis par ascenseur sont dits adaptables évolutifs par des travaux simples aux besoins particuliers des personnes handicapées circulant en fauteuil roulant, lorsque, après exécution de travaux ne touchant ni aux structures ni aux gaines et réseaux communs des bâtiments et ne diminuant pas le nombre des pièces principales» ;
- soit d'énoncer que : « La surface de plancher d'un logement évolutif est au moins égale à celle qui résultera de sa mise en accessibilité ultérieure par des travaux ne touchant ni aux structures ni aux gaines et réseaux communs des bâtiments ».
Qui financera la mise en accessibilité des logements « évolutifs » ?
Selon l'article 64, 4° de la loi Elan, les travaux simples de mise en accessibilité des logements locatifs sociaux édifiés et gérés par les organismes et les sociétés mentionnés aux articles L. 365-2, L. 411-2 et L. 481-1 du CCH sont à la charge financière des bailleurs.
Or, comme le relatent diverses publications de la Caisse des Dépôts, plus de 40% des appartements sociaux sont achetés en Vefa et possibilité de TMA (travaux modificatifs acquéreurs) à la promotion immobilière privée. Dès lors, les bailleurs peuvent acquérir des appartements sans cabinet d'aisances « adapté » et, n'étant pas « édificateurs », s’exonérer de l'obligation de prise en charge des travaux de mutation des appartements « évolutifs » en appartements « accessibles »…
Quelle logique y a-t-il pour la Collectivité d'instaurer par la loi des règles, en l'occurrence d'accessibilité, puis dans la foulée d’autoriser à y déroger sous couvert de pouvoir y revenir à l'aide de subventions publiques pour les particuliers acquéreurs et dégrèvement d'impôts ou taxes pour les acquéreurs quasi institutionnels que sont les bailleurs sociaux ?
Ascenseur à R+3, modestes perspectives
Quant à l’obligation désormais faite (art. R. 111-5 du CCH) de prévoir des ascenseurs dans le neuf pour les immeubles R+3 et plus (au lieu de R+4), le bénéfice nous semble en pratique modeste.
En effet, selon les dernières publications Insee en rapport au sujet, alors que l'ascenseur y était obligatoire depuis 1984, 4140 (2,9%) des 141 200 appartements des bâtiments d’habitation collectifs (BHC) en R+4 construits entre 2006 et 2013 échappaient, en toute légalité, à cette obligation (duplex à R+3, rehausse d'immeubles existants, etc.).
Par extrapolation du précédent constat, si l'ascenseur y avait été obligatoire, 3 220 des 111 000 appartements des BHC R+3 produits sur la même période auraient été dispensés de la dite obligation. Dès lors, 89 320 de ces 111 000 appartements étant conçus avec ascenseur, il est loisible d’estimer que l'obligation aurait porté sur 18 460 (111 000 – 89 320 – 3 220) appartements, soit annuellement sur 2 640 (18 400/7) appartements.
Un bénéfice insuffisant à compenser la perte annuelle de 4 070 (28 500/7) appartements desservis par ascenseur dans les immeubles > R+7, restant de surcroît à la merci d'une aggravation de l'article R. 111-16 du CCH réclamée dans les antichambres ministérielles par certains acteurs de la construction... »
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