À qui profitera le plan de relance des autoroutes ?
La négociation entre le gouvernement et les concessionnaires autoroutiers sur le plan de relance avance. Le montant des travaux pourrait atteindre 3 milliards d'euros. En coulisse une deuxième négociation porte sur la répartition des chantiers entre filiales des concessionnaires et entreprises extérieures.
Thaïs Brouck
Les contours du plan de relance sur les autoroutes se précisent. D’après nos confrères des Echos dans leur édition du 26 avril, les acteurs concernés – gouvernement et concessionnaires autoroutiers - sont en voie de trouver un accord. Concrètement, les concessionnaires d’autoroutes (Vinci, Eiffage et l’espagnol Abertis) prendraient en charge des travaux d’élargissements, des tronçons de jonction entre différents réseaux, etc. Et en contrepartie, l’État consentirait à allonger les concessions proportionnellement aux travaux financés.
Pour y voir plus clair, il faut revenir près d’un an et demi en arrière. Le 31 janvier 2012, dans un entretien accordé au journal économique, Pierre Coppey, président de l’Asfa (Association française des sociétés d’autoroutes) et de Vinci Autoroutes suggérait d’allonger les concessions autoroutières contre le financement de l’ordre de dix milliards d’euros de travaux, en mobilisant les capacités d’investissement de l’ensemble des concessionnaires français. En septembre 2012, c’est au tour de Pierre Berger, PDG d’Eiffage et propriétaire du réseau APRR, de soutenir l’idée. Finalement, ce n’est qu’au début de l’année 2013 que les choses s’accélèrent. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, confie dans un entretien au Moniteur son intention de signer très rapidement un «plan de relance des infrastructures» de 2?à 3?milliards d’euros.
Le gouvernement veut des «contreparties raisonnables»
Bien entendu, la première difficulté est de trouver le taux de change entre travaux réalisés et années supplémentaires de concessions autoroutières. Pour rappel, un accord similaire avait été trouvé en 2010 dans le cadre du « paquet vert ». L’objectif était alors d’améliorer les performances environnementales des réseaux en stimulant l’activité des travaux publics. Vinci avait investi 750 millions d’euros, Abertis 280 mais Eiffage n’avait pas participé, ne souhaitant pas creuser son endettement. Par parenthèse, une partie des investissements réalisés avait été très critiquée au motif qu’elle aurait de toute façon été réalisée par les concessionnaires, paquet vert ou pas. Toujours est-il qu’à l’époque, ce milliard d’euros d’investissements s’était traduit par un allongement d’un an des concessions. Selon une grossière règle de proportionnalité, il est donc possible d’imaginer que les 3 milliards d’investissements prévus dans l’éventuel plan de relance seront réalisés en échange d’un allongement des concessions de trois ans. Reste que d’une part, le montant évoqué évolue régulièrement à la baisse au fil des négociations et que, d’autre part, Frédéric Cuvillier a indiqué vouloir des « contreparties raisonnables ». Dont acte.
Un plan qui profite à toutes les entreprises
La deuxième difficulté, c’est la répartition des travaux liés à ces projets nouveaux. L’Etat a indiqué que si plan de relance il devait y avoir, il devait bénéficier à toutes les entreprises et pas uniquement aux filiales «cousines» des concessionnaires. Sur ce volet, l’Asfa négocie avec la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) sur les conditions d’accès à cet important marché de travaux. Aujourd’hui, la règle en vigueur sur les réseaux est qu’au-dessus d’un montant de deux millions d’euros – montant qui pourrait être revu à la baisse dans le cadre des négociations du plan -, les travaux réalisés sur les concessions autoroutières doivent faire l’objet d’un appel d’offres. «La DGCCRF est très attentive sur le sujet », confie un spécialiste. «Mais dans les faits nous n’avons que des miettes », regrette le dirigeant d’un concurrent d’Eiffage Travaux Publics et d’Eurovia (groupe Vinci). Pourtant, même si l’information est difficile à compiler, selon nos sources, environ 60% des travaux sur autoroutes seraient confiés à des entreprises extérieures.
Pour le plan de relance autoroutier, le gouvernement voulait à l’origine que ce taux passe à 75%. Une proportion qui passait mal du côté des autoroutiers. Finalement, le pourcentage devrait être compris entre 60% et 70%. Encore faudrait-il qu’un accord soit trouvé tant chaque partie semble jouer l’intransigeance. Autre point important, la FNTP réclame la création d’un observatoire indépendant qui puisse contrôler que le taux soit bien respecté par les sociétés autoroutières. Un dernier round de négociations entre entreprises et concessionnaires devrait avoir lieu fin mai. De cette journée dépend une partie de l’avenir du lancement du plan de relance.
Le bras de fer continue
Troisième et dernière difficulté : la redevance domaniale. Il s’agit d’un prélèvement dont les concessionnaires doivent s'acquitter en contrepartie de l'occupation du domaine public. Le gouvernement avait émis le souhait, en février dernier, de doubler cette taxe passant ainsi de 200 millions à 400 millions d’euros par an. « C’est très grave » avait alors réagi Pierre Berger, le PDG d’Eiffage. Mais le Conseil d’État a bloqué le projet début mars. Selon les Echos, «une seconde mouture portant sur une augmentation moindre aurait de nouveau été déposée». «C’est le principal bras de fer engagé aujourd’hui entre le gouvernement et les sociétés autoroutières, glisse une source bien informée. Cela pourrait même remettre en cause la réalisation du plan de relance voulu par le gouvernement». Mais peut-être ne s’agit-il justement que d’un argument pour inviter les concessionnaires à n’être pas trop gourmands sur la durée des concessions. Le suspense reste entier. Et le nœud gordien est loin d’être tranché.
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