10 000 t de tribunes mobiles pour 25 000 places
LE CHANTIER Le Stade de France, à Saint-Denis. LE PROGRAMME Dix tribunes basses représentant 25 000 places, mobiles pour offrir deux configurations : football/rugby et athlétisme. LES SOLUTIONS Une structure en profilés reconstitués soudés (PRS), couverte de gradins préfabriqués en béton l 32 dalles mixtes, déplaçables verticalement à l'aide de 192 poteaux télescopiques et de deux chariots élévateurs équipés chacun de quatre vérins .
GUILLAUME DELACROIX
De l'extérieur, le chantier du Stade de France paraît toucher à sa fin. C'est pourtant en ce moment, et jusqu'au 15 septembre, que devient réalité l'une des deux originalités du projet : après la toiture suspendue à dix-huit aiguilles de 60 m de haut, les fameux gradins mobiles - ou tribunes basses - sont aujourd'hui en construction. Composés de dix éléments distincts, géométriquement identiques par paires, ils portent 25 000 fauteuils - soit la capacité d'accueil du stade Charléty à Paris -, susceptibles d'être déplacés horizontalement selon l'utilisation qui est faite du stade : football/rugby d'une part, athlétisme d'autre part. On en compte trois de chaque côté du grand axe de l'ellipse, et deux de chaque côté du petit axe.
« L'objectif de notre projet était de ne pas voir les spectateurs des premiers rangs reportés au-delà de la piste d'athlétisme, pendant les matchs de football ou de rugby, rappelle Michel Macary, l'un des quatre architectes du stade. Nous avons proposé une solution relativement "rustique", qui offre l'avantage d'une simplicité de maintenance et de fonctionnement. Cette tribune sèche (sans aucun fluide) apportait une seule contrainte dans la conception du stade, à savoir la dimension à prévoir pour les dalles-supports sur lesquelles les tribunes basses peuvent reculer, et la nécessité d'un porte-à-faux à l'avant pour ne pas toucher les pistes. »
90 fermes en acier inoxydable
Les tribunes basses sont constituées d'une structure métallique relativement simple, définie par des fermes en acier inoxydable, à raison de huit à dix par tribune. « Il s'agit de profilés reconstitués soudés (PRS) dont la hauteur des plus gros atteint 550 mm, explique André Touzet, directeur du clos-couvert au GIE. Chaque ferme dispose de deux points d'appui : en configuration football/rugby, il s'agit à l'avant d'une semelle isolée dissimulée dans la piste d'athlétisme, à l'arrière d'une longrine en "L" dans un plan vertical, en béton B25 (5 m de long, 80 cm de large) ; en configuration athlétisme - les tribunes sont alors reculées -, il s'agit de neuf platines en tôle de 15 mm d'épaisseur, matées au mortier sur les seuils de la fosse (3 m de large), et qui reprennent en réalité la charge des tribunes par l'intermédiaire d'une dalle mobile au rôle primordial. » (Voir plus loin.) La membrure supérieure des fermes porte des solives en HEB 280 qui permettent de venir fixer par des goujons les gradins préfabriqués en béton, par trames représentant chacune deux rangs. Ces marches sont finalement équipées de fauteuils en polypropylène de couleur gris clair - la teinte devient plus foncée au fur et à mesure que l'on monte dans les gradins supérieurs.
32 dalles mixtes, sans soudure
La mobilité des tribunes serait impossible sans la présence de trente-deux dalles mobiles verticalement, qui ont pour office de porter les gradins lorsqu'ils se trouvent reculés, et d'établir le lien entre le haut des gradins mobiles et le glacis (niveau 1 du stade) lorsqu'ils sont avancés. Elles sont réalisées avec des PRS sur les lignes des efforts de translation des gradins ; leurs dimensions : 15 x 20 m en moyenne. Recouvertes d'un bac acier et de 5 à 10 cm de béton (un plancher collaborant), elles sont assemblées uniquement par boulonnage, pour des raisons de délais et de simplification des tâches. « Les dalles reposent en position haute sur trois paires de poteaux télescopiques rigidifiés par des broches horizontales, et sur des corbeaux articulés, fixés en haut de la tribune mobile, et à l'extrémité du glacis, précise André Touzet. Ces corbeaux s'escamotent lorsque la dalle descend. » Enfin, un tube métallique de section carrée (100 x 100 mm) protège le nez du glacis au niveau de son revêtement de surface bitumineux.
Pour descendre la dalle, qui pèse 120 t - à raison de trois dalles par tribune, il s'agit par conséquent de mouvoir l'équivalent de près de cinq Airbus A320 tous les 60 m ! -, deux chariots élévateurs télescopiques prennent position sous la dalle, dans une fosse en béton qui fait le tour du stade. Equipés chacun de quatre vérins qui soutiennent une table métallique, ils commencent par soulever la dalle d'environ 3 cm, de façon à libérer les broches des poteaux, qui se replient alors. La dalle est ensuite déposée par ces huit vérins sur les bancs de la fosse. Le recul des tribunes peut, à ce moment, débuter.
Des courses de 50 cm sur dix rails à encoches
Première opération : positionner sur des plots prévus à cet effet sur la dalle, et sous la tribune, une dizaine de rails démontables. Ces « U » métalliques apportés en tronçons de 2,40 m (250 mm de large, 150 mm de haut) servent de guides sur environ 15 m à des sabots enrobés de plastique dur, préalablement glissés sous le pied des poteaux des fermes, à l'arrière des tribunes. A noter : une rotule placée entre le poteau et le sabot permet à l'ensemble d'épouser les variations altimétriques dues aux dévers de la piste d'athlétisme sur laquelle se déplacent les gradins. Le soutien des dalles est momentanément renforcé dans la fosse par des étais (un par ferme), afin de résister aux efforts transmis aux dalles par les sabots et les rails.
Des petits vérins inclinés, liés aux sabots, tirent ces derniers sur des courses de 50 cm, en s'appuyant régulièrement au fond d'encoches pratiquées sur les bords des rails. L'opération s'effectue automatiquement, les dix vérins travaillant en phase grâce à l'alimentation à une centrale hydraulique unique.
Le nez inférieur des tribunes n'utilise pas les rails, lui. Il est en effet mis en sustentation grâce à des coussins d'air - seize à vingt par tribune - comprenant chacun trois chambres à air. Ces tores gonflés par deux compresseurs via moult flexibles définissent des volumes d'air comprimé qui soulèvent les gradins de quelques micromètres, réduisant le coefficient de frottement à 1 %, alors que chaque tribune pèse environ 600 t ! Les coussins d'air sont enfilés sous les fermes grâce à des cornières.
L'ensemble gradins mobiles plus dalles représente un poids de 10 000 t pour 25 000 fauteuils. Leur déplacement sur 15 m mobilise une vingtaine de personnes pendant quatre à cinq jours. Un aller-retour de gradins coûtant approximativement 2 millions de francs, tout laisse à penser que la gestion du calendrier des manifestations du Stade de France exigera un maximum de rigueur !...
FICHE TECHNIQUE
Concédant : ministère de la Jeunesse et des Sports.
Concessionnaire maître d'ouvrage et exploitant : Consortium Stade de France (Bouygues, GTM-Entrepose, SGE).
Architectes : Macary-Zublena et Costantini-Regembal.
Entreprises : GIE Stade Construction (Bouygues, Dumez-GTM, Campenon Bernard SGE).
Sous-traitants : Sorima et Gagne (construction métallique), Ponticelli (mécanismes), Riggers (élévateurs), Bertin (coussins d'air).
Les 3 000 places dont personne ne parle...
En configuration football/rugby, lorsque les dalles sont en position haute, un complément de gradins permet d'utiliser l'espace alors dégagé entre les plus hauts rangs des tribunes basses et les plus bas des tribunes intermédiaires (l'étage des loges). Ces derniers, dits « escamotables », se composent de deux blocs de 8 m de long et 2,5 t. Ils sont entièrement métalliques (charpente en PRS, marches en tôle, sièges métalliques) pour la sécurité incendie, et sont roulés sous les tribunes une fois la dalle descendue, grâce à des galets. A eux seuls, ils représentent 3 000 places !
PHOTOS, SCHEMA : Dernier niveau de gradins en construction : les tribunes basses mobiles, pour 25 000 places. Les fauteuils en polypropylène sont boulonnés au béton.
32 dalles métalliques couvertes d'un hourdis en béton établissent la liaison entre le haut des gradins mobiles et le niveau 1. Lorsque les tribunes reculent, ces dalles (120 t chacune) descendent couvrir une fosse au fond de laquelle sont placés 192 poteaux télescopiques et évoluent deux chariots élévateurs.